Présenté comme un gros paquet cadeau pour le Noël des coeurs tendres, Love actually relève effectivement du package : à quelques semaines des fêtes de fin d’année, les aventures amoureuses d’une petite foule de personnages plus ou moins liés. Le tout sur 130 minutes, soit une durée anormalement longue pour une comédie romantique, remplies de déclarations d’amour et de points d’orgues tous plus puissants les uns que les autres, s’enchaînant à une vitesse folle. L’auteur-réalisateur de ce coup de force, bien que débutant derrière la caméra, est loin d’être un inconnu : davantage que l’accouchement du personnage de Mister Bean, ses scenarii à succès planétaire (Quatre mariages et un enterrement, Coup de foudre à Notting Hill, Le Journal de Bridget Jones) ont fait de Richard Curtis l’empereur de la comédie romantique anglaise, souverain du territoire de la bluette cul-cul la praline grâce à une certaine maestria dans l’agencement des amours contrariés.
Love actually est un film plein comme un oeuf, un récit nettoyé des habituelles scories du genre, une horloge huilée dont le moindre rouage n’a d’autre fonction que participer à la grand messe de la romance. Passant allègrement par-dessus la nécessité de se poser (sur une scène, sur une histoire), le film empile les love stories selon un principe radical : éliminer tout ce qui pourrait ralentir ou atténuer le rendement émotionnel. Love actually, dans sa manière de ne faire cas que des acmés des mini scénarii qui le nourrissent, se transforme en une impressionnante mosaïque, proche en fin de compte d’une installation vidéo à écrans multiples, d’un happening love power (voir le générique de fin en forme de patchwork d’étreintes). C’est l’idée même d’une continuité narrative qui rend les armes. Le principe de simultanéité, de chevauchement propre au film choral prend ici une dimension inouïe. Curtis transforme l’épuisement des traditionnelles dialectiques amoureuses en un feu d’artifices de temps forts, volant de l’un à l’autre avec une incroyable légèreté : le souci d’une sorte de rentabilité sentimentale, couplée à une construction proche en dernière instance des Sims ou de Star Ac’ (où le spectateur-joueur aurait pour tâche de s’abreuver de chaque histoire sans en perdre une miette), attire le film du côté de l’abstraction et du schéma pur et simple, miraculeusement trempée d’émotion. Au bout, la création d’un organisme complètement artificiel où les particules de fiction s’agglutinent peu à peu et font corps lors d’un crescendo sans retour, une demi-heure finale en apesanteur. Chant du cygne, peut-être, d’un genre qu’il s’agirait d’essorer jusqu’à un point de non retour. Harmonie définitive, sûrement, d’un monde entièrement régi par les baisers où tout, enfin, devient possible. Love is all around.