De la Chine contemporaine continuent à nous parvenir régulièrement des nouvelles cinématographiques qui témoignent, à des degrés variables, de la situation des jeunes auteurs dans la lointaine république populaire. Ainsi, face aux vétérans de la cinquième génération oeuvrant avec l’assentiment du gouvernement tels le Chen Kaige de L’Empereur et l’assassin ou un Zhan Yimou s’improvisant chorégraphe pour une prestigieuse transposition scénique d’Epouses et concubines, les jeunes cinéastes de la sixième génération continuent à s’imposer sur le terrain des festivals internationaux. Et en France, dans le circuit des salles classées art et essai. Ainsi après les bonnes surprises que constituent Ronde de flics à Pékin, Xiao Wu artisan pickpocket, on a pu plus récemment découvrir Le Protégé de madame Qing et Suzhou river, deux films confectionnés, eux, dans la clandestinité et bien évidemment privés de sortie sur le territoire national.
Eclipse de lune, tourné en 1999, par Wang Quan An, auquel l’on doit également Baba, flirte avec l’officialité puisque produit avec le concours du Studio de Pékin et de l’Etat, tout en s’ancrant, du côté de la narration et de l’esthétique, dans la mouvance d’opposition branchée de la nouvelle génération. Le film souffre, sans aucun doute, de cette schizophrénie et d’une distribution postérieure à celle de Suzhou river (alors qu’il fut tourné quelques mois auparavant) dont il partage la thématique hitchcockienne de la quête obsessionnelle d’une figure féminine disparue. Force est de constater que si Lou Ye réussissait quelques variations personnelles autour de Vertigo, Wang Quan An, qui puise à la même source, s’essouffle rapidement à recycler, sans intention formelle forte, le même matériau. De la vision d’Eclipse de lune ne demeure dès lors plus qu’une impression floue d’hommage gratuit et infructueux, probablement porté par de louables volontés mais incapable de transcender son parti-pris initial.