Pour sa première référence, le label Peter I’m Flying (nom inspiré de Peter Pan ?) a réuni la crème allégée de la mini-communauté electro française, pour un objet qui suscite sans restriction la sympathie : un esprit frondeur et joyeux semble en effet animer les 13 participants de cette compilation apparemment modeste et pourtant plus importante qu’il n’y paraît, en ce sens qu’elle liste les activistes en devenir de la musique du futur, faite de machines et de bonne volonté, de synthés cheap et de recherches choc, d’enthousiasme et de broc. Un esprit juvénile souffle ainsi sur les 13 titres inédits présentés, rappelant les initiatives libertaires et sans le sou des micro-labels indépendants qui firent la joie des usines de pressage tchèques dans les années 90. Aujourd’hui, ce sont Evénement, Clapping Music, Active Suspension ou Peter I’m Flying qui investissent leur énergie et leurs économies dans la production d’objets musicaux issus d’une scène en expansion, tant géographiquement qu’idéologiquement.
De cette approche ludique et décomplexée de la musique, Anne Laplantine est le plus bel exemple, qui introduit cette compilation avec un titre (For mo(n)tion disconfort) plus pop qu’electro, où une petite guitare new wave fait le lien entre des sonorités déformées et sautillantes, de petites cloches, un beat Casio et des voix d’enfants (ou pitchées), en une malicieuse comptine détraquée. Shinsei (feat Datagrrrl) propose ensuite avec Rhyme une electronica ambient de courtes nappes répétitives et de beats saturés et perturbés sur lesquels se pose une voix chuchotée, elle aussi matière sonore à part entière. Un single de Shinsei est en prévision sur Active Suspension… Les Rennais de Mils, dont on avait remarqué les deux premiers albums sur Gooom, distillent leur singularité sur ölbasik, entre Plaid, Steve Reich et The Ex : trompettes, guitares et beats se mariant en une inédite fusion d’electro, de jazz et de post-rock. En résulte un morceau dense et progressif, hybride et obsessif. De O. Lamm, on ne dira trop rien puisqu’il est aussi critique chez Chronic’art… Mais son electronica minimale de glitches, de glissements stérérosoniques et de descentes chromatiques est un beau moment zen. A côté, les sons de Snark (deux albums sur Tout L’Univers) ont un côté très lo-fi, entre aphextwineries cheap et moogeries en boucles, tout en ruptures de tons et de sensations. Herri Kopter, aka Jerôme Minière, propose avec Aux chiens écrasés, une musique électronique ambient et minimale, apaisée et abstraite. Gel :, dont on a salué la sortie du premier album (voir également notre interview dans Le Mag), nous offre un morceau sans titre (fait assez rare pour être souligné), de beats légers et de petits sons modifiés et enfantins, glissant vers on ne sait quelle inquiétante étrangeté sur la fin. Planant et délicat. Sur I knew very well, Mitchell Akiyama, jeune artiste canadien (un disque en prévision sur Alien 8), se souvient de Brian Eno et de Chain Reaction, pour une sorte de house ambient tout en échos et glissandi. King Q4 dévoile sur Tease sa pop électronique fraîche et ludique, tendance Plone en plus electro avec des bribes d’interview (un chercheur du GRM ?). Chris Cole, échappé de Movietone et de Crescent, mélange acoustique et électronique, piano et rythmiques travaillées, pour une post-electro sensuelle et sombre. Barbara de Encre (dont l’album à paraître sur Clapping cet été est une merveille) est également sombre et ample, mêlant cordes avant-rock et petits blips décalés, entre Faultline et Rachel’s. Me tracks for hyperactive kids est un projet londonien anonyme, travaillant sur les aspérités vinylisiques et des bribes sonores, un peu à la manière de Profan ou du premier Scratch Pet Land, sur une boucle travaillée. V.L.A.D. est un peu la star de la compilation, avec son maxi sur Warp et un album à venir. Son electro un peu Potuznik, un peu AFX, fourmille de petits détails saturés et de breaks pointus, pour un morceau très carré.
Au final, une compilation éclectique et chaleureuse, faisant un panorama pertinent d’une scène en pleine émergence, qui a de beaux jours devant elle.