De Takehiko Inoué, on ne connaissait jusqu’à présent qu’une passion dévorante pour le basket ball, couchée sur le papier à travers Slam dunk, shounen manga sympathique sans être transcendant. Avec Vagabond, Inoué change radicalement de genre et passe à la vitesse supérieure : une adaptation libre, romancée, mais ambitieuse de la biographie d’une figure nippone légendaire, Musashi Miyamoto (aka « Kenshi », l’épée sacrée), incarné par ailleurs sur grand écran par Toshiro Mifune.
Vagabond débute lorsque Takezo Shinmen -le véritable patronyme de Miyamoto- et son compagnon de route Matahachi Hon’iden sont recueillis par une jeune femme, Oko, et sa petite fille après une sévère défaite lors de la bataille de Sékiga-Hara. Lors d’une rixe avec des brigands, Takezo sera « trahi » par Matahachi, préférant s’adonner à la débauche lubrique avec Oko plutôt que de combattre à ses côtés. Contraint de rentrer seul au village natal, Takezo sera confronté à la rancœur de la mère de Matahachi, persuadée que son fils est mort et a été lâchement abandonné par Shinmen.
Vagabond ne déroge pas à la règle impitoyable du « premier tome déceptif ». L’intrigue se met -trop ?- lentement en place, pose les jalons des relations entre les divers personnages, principalement axées sur la jalousie, la haine et la suspicion. Des sentiments révélateurs d’un Japon en proie aux guerres intestines, période favorable aux complots et trahisons de toutes sortes. Déceptif donc mais alléchant, ça ne fait pas l’ombre d’un doute. D’autant que Vagabond est une merveille graphique, le trait y est précis, plus détaillé que celui de Slam dunk, parfois épuré comme celui d’une estampe. Ici, pas de digressions comiques déplacées et de méchants monstrueusement outranciers comme dans le Kenshin de Watsuki, Vagabond se rapproche plus du » Jidaigeki réaliste » dans une veine similaire à celle de l’Habitant de l’infini, de Samura, l’aspect fantastico-mythologique en moins tout de même. Même si le personnage principal a été franchement idéalisé boy’s band -le modèle original était à ce qu’il paraît beaucoup moins sexy-, Inoué ne se cache pas derrière une vague caution historique pour ne finalement délivrer qu’un catalogue de clichés shounen. Comme le fait malheureusement un peu trop souvent Nobuhiro Watsuki, qui a largement sous-exploité une période transitoire fascinante de l’histoire du Japon avec Kenshin.
Vagabond était très attendu… Même si ce premier tome ne laisse qu’entrevoir la richesse des possibilités de son intrigue, le nouveau manga d’Inoué est indubitablement un must-have, d’autant que Tonkam en a particulièrement soigné l’adaptation -premières planches couleurs conservées, impression de qualité, sens de lecture respecté.