Tout commence comme dans une divagation onirique. Une simple boucle de piano, vaguement lo-fi, énième référence à l’enfance et à la photo de pochette, sur laquelle un gamin échappé du Village des damnées de John Carpenter et perdu dans la neige nous susurre à nouveau que l’enfance, ce n’est justement pas si innocent que ça. Ben tiens. A croire que Warp explore le filon jusqu’au bout (ça va faire dix ans qu’Aphex Twin, Boards of Canada et Plaid nous rabâchent sans cesse le concept). Après une minute, une rythmique tout en cliquetis ès Autechre déboule, on plonge dans The Dogs. Qui se mettent à aboyer au bout de dix secondes, forcément. Attendez, ça ne serait pas ce bon vieux Richard D.James qui nous refait le coup de Come to daddy ?
Heureusement, les chiens s’arrêtent après moins de trois minutes. Proper lo-fi nous suggère la reconversion IDM de Stephen Malkmus, et une mélodie honteusement aguicheuse remet les pendules à l’heure. Derrière, les breakbeats sont inlassablement torturés, jusqu’à en devenir un peu fatigants. Chris Clark, ce nouveau venu découvert aux soirées hebdomadaires Nesh du label, nous sert sa recette jusqu’au bout : mélodies ravageuses, production ultra-compressée et mal dégrossie, déflagrations vaguement migraineuses. On est vite saoulés de sons, de bruits, d’effets, et on se demande vaguement pourquoi, même s’il faut avouer que, isolés, certains de ces morceaux ont vraiment de la gueule (Bricks et sa mélodie idiote, Diesel Raven et son rythme entêtant).
Et puis on réalise soudain que Clarence Park a tout du disque Rephlex : souvent jouissif, volontairement accessoire, éternellement adolescent. The Chase, redite deconstruction acid, et l’idiomatique et crétin Lord of the dance évoquent irrémédiablement Bogdan Raczynski ou Cylob, ces vieux amis dont on achète les disques mais à qui on ne confierait jamais la garde de son gamin. Ce qui agace dans le disque de Chris Clark, plus que la musique finalement, c’est l’attitude faussement tarée et je-m’en-foutiste (bien sûr, le disque dure à peine une demi-heure), l’esthétique faussement trash, déjà vues et entendues mille fois. On s’étonne que Warp se soit laissé convaincre par ce collage pas franchement excitant de déjà-vu quand on connaissait le label si calculateur et désireux de créer l’événement à chaque sortie il y a à peine deux ans. Petit disque pas désagréable, Clarence Park a tout de la revendication : chez Warp aussi, on a le droit d’être idiot, chez Warp aussi on a le droit de prendre des vacances. C’est déjà pas si mal. En attendant le deuxième disque de Chris Clark, éjaculateur précoce déboulé de nulle part, qu’on imagine plus victime du stratagème et dont on attend impatiemment la suite de l’histoire…