GTA est le sale gosse des jeux vidéo. Malpoli, mal habillé, mal branlé. Subversif et racoleur, le jeu de Rockstar bouffe à tous les râteliers, choque lautant le bobo que le conservateur. Le genre de jeu sur lequel on devrait vomir mais qu’on s’obstine tout de même à défendre. Parce qu’aucun jeu n’a été aussi loin dans l’amoralité… Meurtres, agressions, vols, sadisme, quasi-immunité. C’est cette totale gratuité des actes virtuels les plus vils qui donne toute sa force à un gameplay finalement pas plus génial qu’un autre. Et c’est manifestement ce que ne comprendront jamais les suiveurs qui tentent de le cloner. True crime était manifestement bien parti pour relever le challenge du plagiat. Dans le jargon du nerd, on appelle ça un « GTA-killah ». Sauf qu’au final le jeu de Luxoflux n’est rien de tout ça. Juste une pâle copie, un amuse-gueule pré-digéré pour ceux qui seraient en manque de GTA. True crime fait pourtant tout ce qu’il peut pour masquer son opportunisme : quelques modifications de structure -plus linéaire-, un changement de statut social pour le héros. A priori, tout ce qu’il ne fallait pas changer. Par contre, il a gardé les défauts : jouabilité boiteuse, maniabilité brouillonne.
Alors, à quoi peut bien servir True crime ? A introduire la notion de moralité dans le GTA-clone, apparemment. Le héros du jeu, Nick Kang, a beau être flic, il n’en reste pas moins un énervé de la gâchette. Dirty Harry version asiate -en plus, il fait du kung-fu. Il peut jouer les salauds, abattre un contrevenant d’une balle dans la tête. Ou faire consciencieusement son boulot, tirer des coups de semonce, montrer sa plaque, viser les jambes. Malheureusement, il n’y a absolument aucun intérêt à être un flic ripoux. Pour avoir la chance de visionner la vraie fin, il faut jouer les policiers modèles quitte à se prendre un peu de plomb dans la poitrine, ce qui sera toujours moins grave que de perdre des points de « bon flic ». Paradoxalement, certains aspects du gameplay ne prennent même pas en compte ce manichéisme forcé. Dans les phases d’infiltration, par exemple, on peut assommer les gardes « gentiment » (bon flic) ou les frapper de manière létale (mauvais flic). Dans un cas comme dans l’autre, le corps finit par disparaître, le garde ne se relève jamais pour donner l’alerte. Quel intérêt d’utiliser le coup létal ? Aucun. On vous donne une liberté, mais le choix à faire est tellement évident qu’on aurait très bien pu s’en passer. Contrairement à KOTOR, être une ordure ne rend donc pas le jeu plus intéressant.. Il faudrait être maso pour vouloir jouer les flingueurs. Tout le contraire d’un GTA, ou le Bien et le Mal sont des notions inexistantes. Le jeu de Rockstar a tout compris avant tout le monde : on se fout de savoir si nos actions virtuelles ont une quelconque portée. Cramer du polygone au lance-flamme n’a jamais tué personne.
True crime n’est pas vraiment une sombre daube, loin de là. Juste un jeu inutile. On pourrait même dire qu’il sombre irrémédiablement dans l’opportunisme le plus mesquin s’il ne finissait pas par partir en vrille sur sa fin, lorsque le thriller clichetonneux qui lui tient lieu d’intrigue dérape dans le n’importe quoi. La scène se passe dans la cuisine d’un restau chinois. On savate quelques cuisiniers vindicatifs armés de hachoirs. Et puis, soudain… un zombi à kicker. Puis une horde de morts-vivants à massacrer au fusil à pompe. On nous a déjà fait le coup avant, c’est presque un gimmick de FPS (cf. les zombis nazis de Return to Castle Wolfenstein et prochainement les zombis de l’espace de Doom 3), mais jamais ça n’était apparu aussi incongru. Après le bal des morts-vivants au pays de Dirty Harry, on peut tout accepter :. Jean Reno et son expressivité légendaire jouant les flics français au temps des samurai dans Onimusha 3 ; les héroïnes de Final fantasy X-2 fringuées comme des maquerelles de Shibuya. Le mérite de True crime, c’est qu’il nous a décoincé à la truelle et nous a préparé aux pires bizarreries que peut encore se permettre l’industrie du jeu vidéo. Ca n’est pas grand chose, mais c’est déjà ça de gagné.