La mise en scène, ça tient parfois à peu de choses. Quelques idées éparses, simples mais efficaces. Cet adage, Cesc Gay, réalisateur catalan dont c’est là le deuxième long métrage, l’applique à la lettre, cherchant moins à étaler une vaine virtuosité qu’à donner vie à ses personnages, deux adolescents : Dani et Nico. Au début du film, nombreux sont les signes qui, discrètement, esquissent le récit. C’est d’abord un trajet en train, annonçant les initiations à venir, les premières ébauches du passage d’un état à un autre. Non pas de l’adolescence à l’âge adulte, mais plutôt de l’adolescence à la post-adolescence. C’est ensuite Nico, passager au physique androgyne, qui vient rejoindre son pote Dani dans la maison de vacances de ses parents. Ils se retrouvent sur le quai, se donnent une franche accolade, puis quelque chose se produit. Quelque chose de limpide et de délicat : les deux compères se bousculent comme deux gamins agités, puis changent de position. Dani se retrouve alors à la place de Nico et vice versa. Ce renversement initial marquera de son sceau tout Krampack, et notre vision des choses, bourrée de préjugés (l’androgyne homosexuel, le petit blondinet qui fait craquer les femmes, etc.), s’en trouvera considérablement altérée…
C’est donc à une chronique sur l’adolescence que nous convie Cesc Gay, genre ô combien délicat, tant il penche souvent du côté de la caricature : ces anciens ados devenus cinéastes jettent parfois un regard trop nostalgique, limite réactionnaire, sur cette étape décisive de leurs vies. Ouvrons ici une parenthèse, histoire d’indiquer que le cinéma ibérique a toujours été moins enclin que le nôtre à parler de cette classe d’âge. Pour des raisons historiques d’abord (la dictature franquiste laissait peu de place aux récits d’initiation, ou alors il s’agissait d’initiation patriotique !). Pour des raisons cinématographiques ensuite : ces dernières années ont été marquées par le cinéma almodovarien peu friand de ce type de personnage. Fin de la parenthèse.
Ce contexte cinématographique est peut-être pour beaucoup dans la réussite relative de Cesc Gay : le cinéaste n’a pas cherché à imiter, ni à innover, préférant se focaliser sur ses deux protagonistes, parfaitement dessinés et interprétés (il faudra notamment suivre ce Jordi Vilches, qui a une gueule et du bagout)… Cette attention soutenue sur les deux comédiens explique sans doute les quelques errements repérés ici ou là : les adultes mal campés et un peu bâclés, ou bien encore ce recours un peu lourdingue au montage parallèle à la fin, comme pour mettre en perspective la découverte et l’épanouissement sexuels de Dani et Nico, chacun dans son coin, chacun dans son genre. Mais l’ensemble est suffisamment juste et touchant pour qu’on s’y attache. Oublions donc ces quelques travers.