Soyons clairs : L’Echange est un gros navet hollywoodien. Cette histoire d’enlèvement, prétexte à un mélange des genres totalement indigeste (thriller, leçon « philosophique », film guerrier) s’avère totalement insipide. On y voit la jolie Alice Bowman faire appel aux services d’un « consultant en rançons et enlèvements », ancien militaire de surcroît, pour faire libérer son mari Peter Bowman, kidnappé par de vilains guérilleros latinos. La pauvre Meg Ryan a beau se démener dans le registre de l’épouse éplorée, elle ne parvient jamais à dégager une once d’émotion de son jeu. On lui conseillera plutôt de retourner dare-dare dans les comédies romantiques qui ont fait son succès. Quant à Russel Crowe, s’il campe avec force le négociateur professionnel Terry Thorne, le personnage est tellement débile et superficiel qu’il ne peut pas faire grand-chose pour épargner le film du naufrage.
Mais cessons d’accabler les acteurs : ce ne sont pas eux qui ont recours à ce montage parallèle scolaire et insupportable (une scène pour le mari captif, une scène pour la femme abandonnée, une scène pour le consultant hésitant), qui culmine dans une double séquence de confession, où mari et femme comprennent, chacun dans leur coin, qu’ils font à peu près n’importe quoi de leur vie, etc. (une perle, au hasard : « Faut pas chercher à comprendre les choses. Les choses arrivent »). Ce ne sont pas eux non plus qui ont imaginé un final à la Rambo dans lequel le spectateur regarde, dépité, des anciens militaires retrouver leurs sensations passées en baroudant dans la jungle américaine, avant de « nettoyer » un campement de guérilleros.
Cela dit, le film a pris soin, auparavant, de nous préciser que les guérilleros, autrefois gentiment marxistes (quelle hypocrisie de la part d’Hollywood !), étaient devenus, depuis la fin de la guerre froide, de vrais salauds, trafiquants de drogue, kidnappeurs en série juste pour l’argent, et non plus pour l’idéologie. On se pince pour voir si l’on rêve, mais non, le cauchemar a bien lieu : L’Echange réécrit l’histoire, et compare sur un ton totalement objectif des révolutionnaires en puissance à de petits malfrats n’ayant plus aucune raison de lutter, sinon pour des dollars ! Rien sur les régimes corrompus qui exploitent, avec la complicité des Etats-Unis, les défavorisés locaux ; presque rien sur la responsabilité des multinationales yankee (quelques phrases visent à donner bonne conscience aux auteurs) dans l’accroissement de la pauvreté et des inégalités. Aucune explication à propos de l’existence actuelle de ces guérillas qui luttent parfois très pacifiquement (voir les zapatistes du Chiapas, au Mexique). Cet obscurantisme politique fait froid dans le dos, et achève de faire de L’Echange un film insupportable et navrant.