F-Zero GX a placé la barre très haut. Mettant les nerfs de l’amateur de courses futuristes et hypersoniques à rude épreuve, F-Zero GX est incroyablement hard. La maïeutique du hardcore-gamer en devenir, le plaisir SM du joueur surdoué, le sacerdoce du casual en mal de patience. Pourquoi tant de haine ? Pionnier du genre tombé dans l’ombre d’un suiveur plus sexy et plus warrior, WipEout, F-Zero avait sans doute besoin de se faire le porte-drapeau de la difficulté old-school pour se distinguer et remonter sur les plus hautes marches du podium. Et puis surtout il y a Sega. Invité par Nintendo à retravailler une de ses licences les plus prestigieuses, la firme au hérisson bleu moribond est venu avec sa philosophie janséniste dans les poches. Elle ne s’est même pas donnée la peine de redonner un coup de jeune à la série, un peu ringardisée par ses plagiaires. Juste un énorme coup de sang.. F-Zero n’est effectivement pas devenu aussi techno-cyber que WipEout. Le jeu a sa propre personnalité, imprégnée d’une espèce de futurisme eighties looké Fischer Price. Les pilotes sont ridicules, les vaisseaux improbables, les décors de mauvais goût. Cette esthétique douteuse, typique de ce que peut pondre Nintendo lorsqu’il tente de s’affranchir tant bien que mal de la charte Miyamoto, a finalement été conservée… contre toute attente, à quelques effets pyrotechniques près. F-Zero GX a donc quelque chose de paradoxal : il profite d’une brèche créée par une certaine démission de la concurrence, fait tout ce qui est en pouvoir pour redevenir leader. Tout en risquant de se couper d’un succès de masse, avec sa difficulté cyclopéenne et son design hasardeux.
On peut débattre pendant des heures sur la difficulté du jeu. Trouver que les sorties de pistes sont trop sévèrement sanctionnées, que le mode Story et ses missions presque insurmontables dépassent largement les limite de la persévérance. Craindre que le plaisir ne s’émousse au contact de la frustration et du désespoir. Ca ne mènerait nulle part… Parce qu’il ne faut pas oublier que le genre « course futuriste » a totalement raté son transfert sur consoles next-gen. Peu d’ambitions, si ce n’est de copier sur le voisin, et des résultats au mieux mitigés, de WipEout fusion à Quantum redshift, en passant par Extreme G3 et Drome Racer. F-Zero GX est venu panser les plaies. C’est LE jeu qui nous manquait, celui qui a fini par nous sortir d’une certaine résignation. Le prix à payer pour mériter une pareille aubaine -cet effort surhumain pour torcher le moindre championnat- en deviendrait presque anodin. Puisque, d’un autre côté, F-Zero GX propose les courses les plus hypnotiques -pointes à 2 000 km / h-, les plus foudroyantes -circuits relativement courts- et les plus orgiaques -30 vaisseaux rasant le bitume simultanément- qu’on ait jamais vues, d’une fluidité à toute épreuve. Tellement monstrueux que F-Zero GX tiendrait presque plus du survival que de la conduite proprement dite. Les concurrents ne « trichent » pas comme dans Mario Kart, ils ne réapparaissent pas derrière vous comme par miracle juste avant la ligne d’arrivée. Mais ils sont tout simplement redoutables, n’hésitant pas à vous pousser pour vous éliminer à la première occasion, utilisant leur boost à bon escient. Pour gagner, il faut atteindre ce degré de connaissance de la piste, apprendre à économiser ses forces pour les transformer en accélération. Quasiment devenir soi-même un bot aux réflexes automatisés. Une machine au service du jeu. F-Zero GX mériterait presque plus le titre « Fusion » que le dernier WipEout. Sans cette relation intense avec le jeu de Sega / Nintendo, il n’y a pas de salut possible pour le gamer. Au-delà de toutes les critiques qu’on pourrait apporter sur la difficulté du jeu, de tous les petits défauts qu’on pourrait relever -circuits inégaux, décors un peu vides, musique balourde- au fur et à mesure de notre progression, c’est sans doute ce rapport fusionnel qui fait que F-Zero GX est unique en son genre… Une bombe à la fois vicieuse et séductrice.