Il y a quelque chose du pitre chez l’artiste nantais, du bon copain qui veut faire rire toute la classe. Alors bien sûr, à l’annonce d’une exposition de Sorin en partie rétrospective et présentant également de nouvelles œuvres, on se précipite !
Pierrick Sorin parle, pour cette manifestation, d’un appartement de collectionneur comme point de départ à la scénographie. Ainsi annoncé, ce choix apparaît comme purement subjectif, presque gadget, en tout cas, ludique. Pourtant, en envisageant l’œuvre de Sorin, le fait de présenter ses travaux dans un univers intime apparaît tout à fait cohérent ; que fait cet artiste si ce n’est nous mettre face à des situations quotidiennes, des ratés de tous les jours, des petites choses ? Cet aspect essentiel de son œuvre se trouve pourtant exploité à son maximum… en dehors de cet appartement. L’installation Une Journée bien remplie répète de manière compulsive, sur de nombreux écrans, des gestes aussi quotidiens qu’anodins et qui remplissent pourtant si bien une journée.
Cet appartement pose également la question du collectionneur. Car celui qui collectionne veut posséder, et la multiplication des supports vidéo, CD-Rom, et autres, dans l’art actuel implique une conception nouvelle de la possession. Une des façons de s’approprier une œuvre est de l’avoir chez soi et de la voir chez soi. C’est aussi posséder un objet, de la matière… qu’en est-il d’une VHS ou d’un disque et de sa jaquette ? Dans cet appartement, tout est plus simple : les créations passent en boucle.
Si sa technique questionne, la position de Sorin dans l’art n’est pas plus claire. Qui est-il ? Ces premières vidéos sont des films expérimentaux, donc des recherches que l’on s’accorde à trouver artistiques. Certaines récentes réalisations paraissent plus comiques qu’expérimentales. Ainsi Nantes, projets d’artistes qui pourrait passer pour des mises en scène de certains de nos comiques nationaux. On y voit en effet Pierrick Sorin se travestir en six artistes de nationalités et de sexes différents, interrogés dans le cadre d’une émission culturelle (dont le présentateur est un Sorin tendance européenne). Ce film, très drôle, expose les projets farfelus et souvent mégalo d’artistes soi-disant sélectionnés par Nantes pour l’an 2000. Pierrick Sorin se paye même le luxe de s’interpréter lui-même pour un projet particulièrement bidon…
Si le film est drôle, il est également assez féroce pour la commande publique, bien sûr, mais également pour la télévision, même à ambition culturelle, dont il est si simple de reproduire les automatismes, le ton, le rythme, les effets de caméra. On pense également au plaisir de l’artiste à imaginer tous ces projets et à inventer d’autres univers artistiques… Ca répond d’ailleurs à une pratique assez courante en art ; certains s’inventent un double et produisent des faux, d’autres préfèrent le jeu, tel Gasiorowski qui avait créé son académie dans laquelle il produisait les œuvres des élèves-artistes (dont Beuys, Rauschenberg, Christo, etc. ), Pierrick Sorin, lui, incarne, joue le rôle de ces doubles… Le jeu, toujours le jeu.