Au départ, le film devait s’appeler « Kingdom in the Sun », un titre grandiloquent pour un projet qui le semblait tout autant : un drame musical inspiré de légendes précolombiennes. Rien de neuf chez Disney ? A l’évidence, le MacDo du dessin animé allait une fois de plus nous servir une recette éprouvée à base d’interminables numéros musicaux entrelardés de plages sentimentales. Mais par on ne sait quel mystère -un moment de lucidité peut-être-, le projet a subi une révolution copernicienne et au lieu de la grande fresque épique attendue, nous voilà face à une escapade drolatique et totalement débridée en Amérique du Sud.
Le Kuzco du titre est un jeune empereur égocentrique plutôt antipathique. Plus à l’écoute de ses lubies que de ses sujets, il a l’intention de bâtir une piscine sur l’une des belles et ensoleillées collines de son royaume. Peu importe que des habitations soient construites sur ses flancs ; il daigne tout juste convoquer le chef de la petite communauté, Pacha, pour lui signaler que son village va être rasé. Mais Yzma, sa « fidèle » servante qui convoite son trône, a décidé de le tuer. La tentative d’empoisonnement échoue et le jeune souverain se voit transformé en un inoffensif lama…
La suite du film se résume en une seule phrase : « Empêcher Yzma de devenir calife à la place du calife. » Pour ça, le quadrupède devra affronter, avec le peu rancunier Pacha, une nature hostile et surtout recouvrer une apparence humaine. Projeté dans des décors épurés -on est loin d’une animation ripolinée proclamant à chaque photogramme sa haute technicité-, le quatuor (Kuzco, Pacha, Yzma et son sbire Kronk) bondit de pierre en pierre, échappe de justesse aux crocs acérés des fauves avant de chuter dans un terrible précipice. Pas un moment où le rythme ne se relâche, pas une scène qui ne fasse preuve d’inventivité ou un recoin de l’image qui ne contribue à la folie générale de ce flipper loufoque. Et si l’antipathique Kuzco se révèle plus humain après sa métamorphose animalière, pour une fois la morale est des plus discrètes.
Kuzco, l’empereur mégalo montre brillamment qu’il est tout à fait possible de s’affranchir du despotisme des figures obligées de l’univers Disney. En espérant que cette cure de jouvence ne soit pas uniquement un laisser-aller passager mais bien un virage définitif.