On est presque aussi étonné d’avoir à rédiger une chronique réservée d’un roman de Richard Bausch que le seront ceux de ses inconditionnels qui auront à la lire, tant on avait pu apprécier les trois romans déjà traduits de ce quinquagénaire virginien unanimement reconnu comme l’un des plus remarquables écrivains américains contemporains; ses confrères eux-mêmes, qu’il s’agisse de Tobias Wolff ou de Richard Ford, ne tarissant pas d’éloges à son endroit. Reste que le thriller lénitif avec lequel il en revient une nouvelle fois à ses thèmes de prédilection, en plus d’une totale absence de rythme, souffre de la crédibilité limitée d’une histoire de haute technologie transpercée de part en part d’incohérences flagrantes ou, en tous cas, de franches insuffisances. L’ouverture semblait pourtant prometteuse, qui nous plonge en plein Deep south sur une histoire de menaces racistes inondant le comté serein de Fauquier, au fin fond de la Virginie. Edward Bishop, paisible célibataire noir, reçoit ainsi comme une poignée d’habitants du coin une série de lettres haineuses où un corbeau laconique l’invite à suspendre ses visites à sa voisine blanche, Nora, elle-même veuve, et à son fils de 11 ans. Malgré l’installation rapide d’un climat oppressant qui renvoie à toute l’histoire violente d’une région longtemps raciste, Bausch néglige complètement l’exploitation de ce premier pan du roman pour se consacrer entièrement à une histoire criminelle d’autant plus dénuée d’intérêt qu’elle se fonde sur une escroquerie informatique à laquelle on ne croit pas une seconde. Surgit ainsi une bande de voyous pathétiques déterminés à mettre la main sur le coûteux matériel volé qu’aurait recelé le mari de Nora, à laquelle on cachait décidément beaucoup de choses.
Sur cette trame branlante se tissent les thèmes clefs d’une œuvre dont on ne peine pas à comprendre qu’ils forment le véritable noyau du texte : mystère des proches, douleur de leur mort, souffrance du deuil, difficultés de l’amour filial et conjugal. L’intrigue policière n’est ainsi à l’évidence pour Richard Bausch qu’une manière d’introduire des préoccupations plus souterraines ; la fragilité de son récit prive néanmoins celles-ci de tout impact et laisse au mieux la pénible impression d’une interminable méditation aux accents franchement naïfs. Les personnages secondaires eux-mêmes manquent de substance et semblent n’avoir été conçus que pour souligner à grands traits la réminiscence d’une thématique partout présente. Le thriller sied décidément mal à Bausch, qui pousse la maladresse jusqu’à ruiner son intrigue par un remerciement de trop en tête d’ouvrage. Quoique la ficelle soit grosse, on gardera le silence pour préserver à ceux qui iront malgré tout voir de quoi il retourne une improbable once d’intérêt.