Le Centre de Photographie d’Ile-de-France ressemble à un corps de ferme, en comparaison de l’Hôtel de Ville, son voisin flambant neuf. Inauguré en 1989 et spécialisé dans la photographie contemporaine, il présente sa dernière exposition ; après Robin Collyer, place à Léon Lévinstein. Cet Américain arrive à New York dans les années 40, dans une ville grouillante d’humanité, pleine d’avenir. La photographie devient dès lors une obsession. Dès les années 50, il y passe ses week-ends et tout le temps libre que son métier de graphiste lui permet de prendre. Durant trente ans, il y consacrera sa vie.
Empruntés aux archives Léon Lévinstein au Canada, à la galerie Howard Greenberg et aux collectionneurs privés, une centaine de tirages originaux noir et blanc retracent le parcours de cet homme solitaire, tantôt à New York, à Mexico, en Inde ou en Europe. Mis à part quelques clichés de ses voyages, on retrouve surtout des thèmes incontournables de la vie new-yorkaise : la société, les enfants, le cirque, la 42e rue, puis la 5e avenue, Central Park… Un mélange des genres. Malgré la diversité des sujets, des repères s’établissent dans son œuvre : un visage qui s’abandonne, une main portant une valise rapiécée -comme pour rappeler l’exil-, un regard, des mains croisées dans le dos, des symboles qui frappent. Lévinstein accorde beaucoup d’importance aux plans serrés, aux détails : « J’essaie d’exprimer à travers la photographie le réalisme et la simplicité de la vie quotidienne de la plupart des gens. »
Pourtant sollicité, il n’a jamais voulu devenir photographe professionnel. Son regard devait rester le plus innocent possible. Cette « photographie de l’isolement » qui le caractérise prend parfois des allures documentalistes, sans commentaire, ni référence temporelle. Et pourtant, face à l’hommage posthume qui lui est aujourd’hui rendu, on est bien tenté de parler d’un « langage Lévinstein« . Son œuvre n’est ni subversive, ni particulièrement novatrice. Pourtant, se suffisant à elle-même, elle fait appel à notre mémoire, à ces images prises au vol et qui reviennent en tête.