Longtemps l’Iran nous a donné des œuvres où le rôle donné aux enfants était central. Ceci au point d’être synonyme d’une impossibilité à représenter, par ailleurs, les tabous de cette société. Or, depuis quelque temps, on assiste, dans le sillage du maître Kiarostami, à un renouveau sensible du cinéma d’auteur dans ce pays. Si la parabole et l’implicite restent ses marques de fabrique, de nouveaux territoires sont explorés. La condition de la femme est ainsi, très courageusement et très directement, abordée par le nouveau film du célébré Jafar Panahi (Caméra d’or et Léopard d’or pour ses précédents films et Lion d’or pour Le Cercle).
Le titre du film symbolise d’ailleurs à lui seul tout son contenu. Figure géométrique abstraite, « le cercle » renvoie à l’enchaînement et à l’entrecroisement du destin de huit femmes habitant Téhéran. L’une accouche par dépit d’une fille (superbe prologue) ; la prostituée avoue sa condition aux policiers, quand d’autres cherchent à quitter leur famille, à s’enfuir de prison, ou abandonnent leur enfant dans la rue… Autant de destins filmés sous une forme proche du documentaire. Malgré leur entraide mutuelle, toute possibilité d’échapper au système semble difficile et tout porte à un éternel recommencement car les points de fuite s’annulent. La dette du système vis-à-vis des femmes est si lourde qu’elle est elle-même impossible à évacuer. Elle est le trou noir de ce cercle -celui-ci étant représenté par les vêtements sombres des personnages.
Plans-séquences, caméra à l’épaule, tension du montage, tout concourt dans ce film à créer un sentiment d’urgence… Une urgence politique qui n’est pas noyée par le didactisme, ni la naïveté. Car l’ambition esthétique dépasse, et de loin, le débat que le film ne va pas manquer de susciter. C’est aussi là sa force.