En octobre 1991, quelques « accrochages » ethniques ont lieu en Europe de l’Est, dans un pays que la majorité des Américains ne saurait situer sur une carte : la Yougoslavie. Harrison, un reporter photographe à Newsweek, part couvrir les événements. Mais au lieu du conflit mineur attendu -CNN n’est même pas sur place-, une véritable guerre est en train de naître dans ce que l’on appellera bientôt l’ex-Yougoslavie. Harrison connaît les risques du métier, l’annonce de sa disparition puis de sa mort est donc acceptée comme une terrible fatalité par son entourage professionnel et familial. Seule sa femme, Sarah (Andie Mac Dowell), se refuse à y croire et décide ainsi de partir là-bas pour le retrouver.
Après un début très hollywoodien -une gentillette présentation du photographe, dont le talent est reconnu unanimement par ses pairs, et de sa femme belle et aimante comme il se doit-, le film bascule violemment dans le chaos et la barbarie. Scènes ultra-violentes, traitement brut, refus d’épargner le spectateur (images de charniers, d’une fillette violée…), Elie Chouraqui réussit indéniablement à nous plonger dans l’horreur de ce conflit, à nous faire éprouver la même tension que celle subie par Sarah et les reporters qui l’accompagnent, cette terrible impression que tout peut basculer à n’importe quel moment. Mais au-delà de ce processus d’identification premier, vite évacué, Harrison’s flowers ne présente aucun intérêt. Certes, il donne une image pas trop angélique des reporters -le film montre notamment qu’affronter la mort comporte une part de plaisir et d’excitation-, mais jamais aucune réflexion n’est amorcée sur leur métier. Ils ne font que mitrailler inlassablement tout ce qui passe devant leur objectif. Pas de recul, aucun regard sur ce que l’on peut montrer et la manière de le faire.
Cet œil sans aucune pensée, c’est celui d’Elie Chouraqui, qui filme tous azimuts la violence et la haine dans toutes ses manifestations. Malheureusement, il ne s’arrête pas à ce témoignage brut : son attirail réaliste, l’imagerie de l’horreur qu’il convoque, sert également à renforcer la noblesse d’une quête : celle d’une femme prête à tout par amour. Comment ne pas éprouver un terrible malaise face à ses images sur ce conflit qui a fait resurgir des mots que l’on croyait bannis -épuration ethnique ou déportation-, utilisés dans un film dont la trame est avant tout romantique (le happy end insupportable et sirupeux ne fait que renforcer cette impression) ? Enfermé entre deux extrémités romantico-hollywoodiennes, le bloc de réalité brute filmé par Chouraqui se voit délesté de toute sa force, voire perverti (plus on montre d’horreurs à l’écran, plus l’amour de Sarah pour Harrison apparaît comme fort et grand au spectateur). La dénonciation de la guerre affichée laisse alors place à un film, plus que contestable, voire honteux.