Né du désir d’un cinéaste qui voulait filmer une caravane de cirque durant son voyage à travers l’Afrique (la Guinée, plus précisément), Circus Baobab est un projet fou, tant dans sa genèse que son accomplissement. La belle idée était là, mais faute de matière, Laurent Chevalier ne pouvait réaliser son documentaire -acrobates, mangeurs de couteaux, etc., tous les éléments du cirque sont présents dans la culture africaine, mais en tant qu’entité ce dernier n’existe pas. Il a donc décidé de créer lui-même le sujet de son film en montant de toutes pièces une troupe. C’est ainsi qu’après deux ans de travail, notamment sous la houlette de Pierrot Bidon, le créateur du cirque Archaos, est né Circus Baobab, le premier cirque acrobatique aérien d’Afrique.
L’élaboration du documentaire est déjà en soi passionnante. Mais le film qui en résulte l’est tout autant. La constitution ainsi que la formation de la troupe demeurent hors champ, Circus Baobab ne débutant qu’avec le départ en tournée d’une centaine de personnes à travers la Guinée. S’inspirant d’une ancienne légende qui raconte comment les hommes ont volé le tambour aux singes, ce spectacle de toute beauté réunit les techniques du nouveau cirque avec les danses et percussions traditionnelles guinéennes. Chaque représentation qui se déroule à ciel ouvert, sur et autour d’un immense baobab, rassemble des dizaines de milliers de personnes enthousiastes ; c’est la première fois qu’une telle performance a lieu en Guinée. La réussite artistique est indéniable mais elle ne constitue que l’un des aspects de cette aventure -avant tout humaine. La plupart des membres de la troupe, en tout cas les plus jeunes, recrutés parmi les compagnies de danses, mais également dans la rue, n’ont, en effet, jamais quitté Conakry.
Cette tournée est donc un étonnant voyage initiatique où des adolescents apprennent la vie en communauté tout en découvrant leur pays. Cours de géographie de l’instituteur dans le bus, rencontres avec différentes ethnies, le contact premier avec une culture à travers l’art se voit considérablement enrichi par un retour à ses sources mêmes. Jusqu’à cette étonnante scène à la fin du film : la rencontre en forêt avec ceux qui ont inspiré leur travail et qu’ils voient pour la première fois -les singes. Bien plus qu’un simple documentaire qui se serait contenté d’enregistrer la réalité, Circus Baobab a directement agi sur elle pour être à l’origine d’un très beau projet de développement culturel. Et depuis le film, l’école de cirque créée continue d’exister, la troupe devant bientôt partir de nouveau en tournée, cette fois en France.