The Pharcyde fait partie, avec Freestyle Fellowship, Dilated Peoples, Jurassic Five et quelques autres, de cette galaxie de groupes originaires de LA qui, enfouis sous la marée G-Funk, s’efforcent de donner à la West Coast un autre son que celui des synthés post-Dre. Poursuivant sur la voie ouverte à la fin des années 1980 par les Californiens du Nord Digital Underground, tous ces collectifs offrent un hip-hop souple et optimiste, fidèle à la tradition des block-parties originelles made in NY mais ne reniant ni les palmiers ni l’hédonisme qui forment le rêve californien depuis plus d’un siècle.
Plain rap est le troisième album du groupe. Bizarre ride II The Pharcyde, en 1992, était un disque adolescent, le fruit joyeux d’une chouette bande de branleurs (préférant dédier un titre à la masturbation plutôt qu’aux beeyatches de la mythologie gangsta) ; Labcabincalifornia, en 1996, les montrait plus mûrs, costume crème et nœud pap (à la fête de graduation du college ? au mariage de la grande sœur ?), avec à la clé un mini-tube mondial, Runnin’, sur une base samplée de Stan Getz. Quatre ans plus tard, ils ont dû se marier, avoir des mômes, s’offrir une maison, commencer à épargner pour les études des petits, et… qu’est-ce qu’on se fait chier ? Hélas oui. A trop polir leurs beats & leurs rimes, les Pharcyde en font une musique sans aspérité, sans ces reliefs et ces tranchants qui font toute la force du hip-hop, face à un rock aujourd’hui bien émoussé.
Après un Trust à l’évidence pleine de promesses, les titres se succèdent, et c’est à peine si on le remarque. La production, smooth jusqu’à l’excès, rappelle davantage le LA de Lionel Ritchie période Ballerina girl que celui de Willie Hutch ou du meilleur de Solar Records. Dans le livret, les titres sont présentés comme des marques sur des productions de grande diffusion. Triste métaphore de ce hip-hop standardisé, aseptisé, la version pasteurisée à 0 % de matière grasse d’un groupe qu’on aimait bien.