Matthew Yee King (25 ans) est un nouvel artiste Rephlex. Signé par Richard James et Maddog Wallace sur la foi de prestations live, il côtoie les artistes du label depuis plusieurs années (à 16 ans, il jouait de la batterie dans le groupe de Tom « Squarepusher » Jenkinson et de Jordan « Railway Raver » Muscott). Après un diplôme en zoologie et génétique, il a rejoint Jamie Lidell de Supercollider à Brighton pour des improvisations live en compagnie de Tom Jenkinson. Il a remixé l’année dernière Circular flexing de Squarepusher sur le EP Maximum priest chez Warp et plusieurs de ses morceaux sont apparus sur des compilations chez Trash Records et Mille Plateaux. SuperUser est son premier album solo.
Ceux qui connaissent un peu Rephlex diront que le label a encore signé un clone de Richard James, et ne verront pas vraiment ce qu’ils gagnent à écouter une énième version des triturations sonores aphextwiniennes, torsions des beats, nappes stylisées, saturations des drumkits, etc. Cependant, SuperUser, à l’écoute, semble gagner en singularité et s’émancipe de son influence principale par l’usage des nappes de synthétiseurs et de la répétitivité hypnotique des compositions vers une electronica apaisée, une sorte d’ambient mélodique, variant les tempi et les atmosphères, passant de la profusion rythmique au minimalisme planant. Limite Krautrock synthétique. A l’opposé de l’expérimentation et de la déstructuration des travaux d’Aphex Twin, Yee-King produit des mélodies, travaille l’image plus que la texture, et développe une réelle musicalité. Leaf track et ses petites notes de synthé ponctuelles que ne renierait pas un VLAD, E20 Crunch et ses drums saturés et réverbérés, Arp et son synthé Arp et ses signaux de scanner répétitifs ponctués de breaks tordus, jusqu’à Sunshine et sa rythmique drum’n’bass cheap, la tonalité d’ensemble ressort de la musique d’ambiance sophistiquée, le psychédélisme synthétique agréable aux oreilles, entre sommeil chimique et chatouillis saturé.
« Braindance », selon le terme inventé par Rephlex, SuperUser est à la fois intelligent et esthétique (au sens grec de aesthesis : sensation), parce qu’il obéit à un réel désir de composition et de création d’un univers musical et extrait de sa musique ce qu’elle a de plus évocatrice en matière d’images et de sensations. En même temps, il manque encore à Yee-King l’originalité et la distance par rapport aux pères spirituels de l’electronica : on y reconnaît trop de tics et de facilités usuelles. Super Usuelles. Attendons donc le prochain album Suprematic Urges sur Trash records et nous serons fixés sur la réelle valeur du bonhomme.