Un point d’exclamation bleu turquoise qui vacille. Un chiffre -le neuf- au-dessus duquel lévite une barre de couleur jaune d’or. Voilà de quoi susciter la curiosité du spectateur. Mais rien à l’arrière-plan ne vient aider au déchiffrement des signes.
Peintre significatif de l’art argentin, Fernando Maza a vécu presque autant d’années à l’étranger que dans son pays natal (New York, Londres, Majorque, Paris). Dans ce parcours itinérant entre Amérique et Europe, Maza a créé un langage personnel. Fasciné depuis toujours par la typographie, il la représente dans des formes géométrisantes où se rejoint la culture des deux continents. Syncrétisme entre arts plastiques et écriture, son œuvre témoigne ainsi d’un métissage propre aux artistes latino-américains.
Figurant un monde abstrait, la trentaine de toiles exposées à Madrid donne à voir un univers atypique et originaire où semble s’accomplir la naissance des nombres et des alphabets. Au milieu d’un espace sans fin ni commencement, de curieuses structures architecturales, rappelant les temples incas par leur imbrication complexe de marches et de cloisons, côtoient des signes en mouvement. Ces « éléments vraisemblables mais improbables » -pour reprendre l’expression du critique Anaya- défient le spectateur depuis une lointaine métaphysique qui l’invite à lire l’œuvre en même temps qu’à la contempler. Du spectacle de ces escaliers et de ces palissades à angles multiples, il est difficile alors de retenir un sentiment d’absurdité. Car le vide et le silence qui s’emparent de l’espace rendent ici toutes choses inutiles.
Au fil de l’exposition, on remarquera également l’intensité des pigments qui viennent colorer sous le pinceau du peintre une nature à perte de vue évoquant la démesure des paysages andins. En toute logique, restant fidèle à son univers mi-absurde, mi-mythique, aucun titre ne figure à côté des œuvres. Pour toute information, seuls sont indiqués l’année et le format des compositions. Maza, ainsi, préfère laisser libre court à l’imaginaire du public afin qu’il pénètre plus facilement son univers.
Reconnu des initiés, l’artiste argentin est resté méconnu du grand public. Sa renommée, pourtant, ne cesse de s’accroître. Il a reçu en 1984 le prix national de peinture en Argentine, puis la fondation Fortabat à Paris lui a attribué, en 1994, le premier prix de peinture ex aequo avec Jack Vanassky.