Sling blade fait partie de ces films sortis de nulle part, qui vous prennent aux tripes et ne vous lâchent plus. Ne le laissez passer sous aucun prétexte. L’histoire est celle de Karl Childers, léger attardé mental qui sort contre son gré d’un asile criminel après 25 ans d’emprisonnement pour le meurtre de sa mère et de son amant.
Doué pour la mécanique, il est engagé dans un garage de sa ville natale. C’est là qu’il fait la connaissance d’un jeune garçon, Franck Wheatley, la première personne qui l’accepte sans le craindre ni le juger. Karl, invité à s’installer chez Franck et sa mère Linda, va devoir affronter le petit ami de celle ci, Doyle, un homme violent, intolérant et qui déteste Franck.
Voilà! Dit comme ça, vous êtes en droit de faire la fine bouche. D’imaginer un mélo sans nom ou encore un film à thèse prétexte à une soirée débat à la télé façon « doit-on relâcher des criminels sous prétexte qu’ils sont guéris? »
Sling blade est bien plus que ça. C’est un film tout en retenue, littéralement porté par la prestation subtile de Billy Bob Thornton. Pour ce premier long métrage, l’acteur, auteur et réalisateur a obtenu l’oscar 97 du meilleur scénario original en mars dernier. Rares sont les films dont vous sentez dès les premières secondes toute la force et l’émotion qu’ils vont vous procurer par la suite. C’est le cas ici.
A ce titre la scène d’exposition pré-générique donne parfaitement le ton. Elle est certainement une des plus gonflées qu’il ait été donné de voir depuis longtemps. Durant une dizaine de minutes, Karl réagit par un long monologue, aux histoires de crimes sexuels que lui conte un autre malade.
Karl, personnage un peu mystique, ne demande rien, n’a pas besoin de confort. C’est un être pratique qui pense que s’il faut faire des sacrifices pour faire le bien, eh bien, qu’il en soit ainsi. C’est pour cela qu’il a tué sa mère et son amant. Et il est prêt à tout sacrifier pour aider Franck. Comme il le dit « Le malheur doit être réservé aux adultes, on ne doit pas faire mal aux enfants<".
La mise en scène de Billy Bob Thornton ne cherche pas l’efficacité à tout prix, elle prend son temps. Chaque situation, chaque personnage, même secondaire a droit au même respect de la part du réalisateur. En quelques mots, quelques regards, il permet à tous ses protagonistes (de l’ami homosexuel de Linda au directeur de l’asile qui s’inquiète de son « protégé ») d’exister, d’apposer leur empreinte durablement. Chacun à sa manière influe sur le parcours de Karl, un destin que l’on sent inéluctable.
Sling blade est un film profondément poignant, émouvant et pudique à l’image des nombreuses scènes de complicité entre Karl et Franck. Chacun protégeant l’autre du monde extérieur. Il faudrait parler également de la fluidité du montage, d’une photo magnifique, et de la musique sobre de Daniel Lanois. Mais la place me manque…
Par contre, impossible, vraiment, de passer sous silence la performance de Billy Bob Thornton. En plus de sa casquette de scénariste et réalisateur, il s’est offert le rôle d’une vie. La question est de savoir s’il pourra faire mieux un jour ! Son jeu, d’une justesse absolue lui a valu une nomination plus que méritée lors des derniers Oscars.||||