La meilleure nouvelle qu’apporte cet album sorti de nulle part, ce n’est pas que, un mois (!) après son décevant Matthew, il s’agit d’un bon album de Kool Keith, c’est surtout qu’il s’agit du meilleur album d’Ice-T depuis très longtemps. De l’improbable réunion de l’astronaute gynécologique du Bronx et du parrain du gangsta-rap californien, pour un projet encore plus improbable, réalisé uniquement à partir de synthétiseurs analogiques (si l’on en croit, du moins, la pochette). Pour l’occasion, Kool Keith, habitué des identités multiples, s’est mué en Keith Korg, casquette d’aviateur et chat mort autour du cou, et Ice-T, sérieux as hell comme d’habitude, est Ice Oscillator, manteau de fourrure pourpre, chapeau rouge et crucifix en or. Trois acolytes au background indéterminé (Rex Roland, Mark Moog et Silver Synth) complètent le posse, apportant de temps à autre une petite saveur latino à la Delinquent Habits à cet album décidément étrange. Du reste, il faillit bien ne pas sortir, des malfaisants ayant subtilisé les bandes pendant les émeutes qui ont suivi la victoire des LA Lakers en NBA au mois de juin dernier. Il faut croire qu’ils les ont finalement rendues, puisque voici ce Pimp To Eat, sorti au milieu de l’été dans une relative confidentialité par Nu Gruv, l’excellent label-distributeur californien de hip-hop indépendant.
Le concept, en gros, se situe en 2005 (titre du premier single) et tourne pas mal autour des putes et des maquereaux, mais parle aussi de coiffure (Perms Baldheads Afros & Dreds), d’une Oldsmobile bionique (Bionic Oldsmobile) et du Surfer d’Argent (Analog Anilalator Vrs. Silver Surfer). Autant de thèmes baroques qui n’étonneront guère le fan de Kool Keith, dont on sent là l’inimitable style. Le titre (Pimp to eat) est aussi de lui, et il doit sans doute être le seul à savoir exactement ce qu’il veut dire. Musicalement, le parti pris électronique crée une atmosphère de science-fiction vaguement années 50 qui rappelle par moment le Dr. Octagon (même si, lui, venait de l’an 3000, soit 995 ans plus tard) ou les instrumentaux du Company Flow de Little Johnny from the hospital. On trouve aussi sur cet album quelques raps menaçants de l’Ice (qui a un peu fondu depuis OG (Original gangster), son chef-d’œuvre marmoréen de 1991), qui nous rappellent qu’avant de faire du metal à destination des Beavis & Butthead des banlieues de l’Amérique blanche, il était un formidable MC, sachant vous glacer l’échine avec son flow précis et froid. Ce qui nous fait regretter qu’on ne l’entende que sur une poignée de morceaux, et toujours brièvement -mais peut-être y avait-il plus de fans d’Ice-T que de Kool Keith parmi les supporters des Lakers…