Vladislav Delay est sans conteste la révélation electronica de cette année. Sorti de l’underground du label néo-zélandais Sigma par la grande porte avec les sorties simultanées de deux albums sur les labels berlinois Chain Reaction et Mille Plateaux, Delay, qui n’a depuis cessé de parcourir le monde pour des sets éblouissants (à noter qu’un live de deux heures est à télécharger gratuitement sur la Toile) sort aujourd’hui deux nouveaux albums indispensables, ou presque.
Vapaa Muurari est un live, que Delay signe d’un étrange pseudo finnois, peut-être son vrai nom (Delay est finlandais), qui sort directement sous l’étiquette de la maison mère de Mille Plateaux Force-Inc. La musique développée y est plus volontiers rythmique que sur les deux albums (Entain et Multila) parus plus tôt cette année sur les labels sus-cités, tout en conservant un aspect trouble et abstrait très prononcé. Les quatre « morceaux » séparés de manière équivoque en diverses plages voient les éléments rythmiques et les plateaux mélodiques se superposer, s’entrechoquer et se succéder comme autant de plages sonores, alors que des accidents concrets ou électroniques divers semblent constituer l’épine dorsale esthétique de l’ensemble, résolument inclassable. Une impulsion house se confronte à des effets de souffle, des escalades bruitistes se perdent dans un magma de nappes ambiantes qui n’oublient jamais de s’éroder, alors que diverses voix et bruits (quotidiens ou métaphysiques, peu importe) se chargent d’humaniser cette musique aussi glaciale qu’incandescente.
Amateur des extrêmes, Delay sait aussi taper du pied : son projet Luomo, pour le compte du sous-label house de Force-Inc Forcetracks et du collectif Bass Dress qu’il a créé avec quelques amis stylistes ou artistes à Helsinki, le voit explorer la région la plus reculée au sud de son territoire arctique. Point de disco house vulgaire pourtant ici : on est à mi-chemin d’une house linéaire et sévère façon Maurizio (sa série Mn°) et d’une electro-disco torride pleine de clins d’œil au maître Moroder, alors que dans l’entre-deux fleurissent les affects caractéristiques de la facette la plus expérimentale de Delay (nappes glacées, clicks & cuts, bruits divers organisés rythmiquement autour d’un axe trouble). De plus, le Finlandais semble s’amuser avec les structures, étirant ses morceaux jusqu’à l’étourdissement (un quart d’heure en moyenne) et amenant des vocaux soul plus ou moins découpés (samplés ?) en bout de course (on se souvient avec fébrilité de The Way de Global Communications, un des plus beaux morceaux house de l’histoire). Que dire d’autre de ce disque sinon qu’il est probablement l’un des objets mutants les plus excitants que la house nous ait donné à entendre depuis très longtemps… A découvrir incessamment, comme tout le reste de l’œuvre étonnante de ce Finlandais ultraproductif certes, mais surtout ultradoué.