Groupe de San Francisco formé depuis le début des années 90, Swell s’est d’emblée distingué par certaine inclination pour les rythmes lancinants et les chansons monotones. Le groupe a également développé un sens notable de la plastique timbrale. Ceci l’a notamment poussé à intégrer des prises d’ambiance citadine sur son premier album. Mais le plus impressionnant dans les premiers enregistrements de Swell, ce sont ces formidables rythmiques de batterie et guitare folk où venaient s’enchâsser quelques morves de guitares électriques dans de subtiles nuances de distorsion. Hypnotique et déprimant.
La nouveauté fondamentale dans ce cinquième et très court (28 minutes) LP de Swell réside dans la disparition du batteur, substitué par des échantillons séquencés. Fidèles à l’esprit, mais sans la dynamique et la profondeur de champ qui donnaient à la pulsation de Swell son sinistre lyrisme. Là où le tambourinage transmettait une énergie, celle cognant les peaux, les patterns ne transmettent qu’une inertie, celle de la boucle exécutée par la machine en l’absence de son programmateur. Imaginez qu’on congédie Jacky Liebezeit de Can pour lui préférer Fruity Loops… Du coup, alors que Swell fait strictement la même musique qu’il y a cinq ans, celle-ci semble profondément modifiée. L’angoisse qui sourdait de ses grooves a disparu au profit d’un ennui raffiné. La douleur qui connaît sa cause se mue en blasement, souffrance moins vive mais plus durable.
Someday always come est le thème le plus convivial du disque, avec sa mélodie traînante et vaguement orientale appuyée sur un arpège de guitare folk. Le reste est machinalement bluesy, mid-tempo, inamical et rigide (Glad to be alone, sixième plage du CD). Le titre le plus suffocant étant… A velvet sun, avec sa basse pesante, son atmosphère de serre, son break de piano faussement lyrique. Impassible machine à broyer du noir. Quant au morceau le plus réussi, il s’agit sans aucun doute de Like poverty. D’ailleurs, il figure deux fois sur le disque. Bâti sur une banale progression d’accords, Like poverty doit son intérêt à l’arrangement : la programmation rythmique enchevêtre de plaisants couinements sur un tapis de rimshots, l’attaque de guitare sèche complète intelligemment le grain soutenu de l’électrique. En somme, Swell incarne l’actualité de la new wave : l’ennui délibéré.