Spécialiste du film sur l’histoire de la musique, réalisateur français « oscarisable » depuis Farinelli, Gérard Corbiau s’est cette fois attaqué au gros morceau : Lully et ses efforts pour satisfaire le goût de Louis XIV pour la danse. Le Roi danse couvre donc les premières années du règne du Roi-Soleil, celles où il construit son image, en même tant que le château de Versailles. Lully, ami de Molière, détesté par la « vieille cour » parce qu’il est italien et pour ses mœurs douteuses, voue sa vie, son art et même son amour à la gloire du roi Louis XIV.
En filmant ce drame du pouvoir et de la fascination de manière très conventionnelle, avec une emphase pénible, Corbiau gâche un spectacle que l’on aurait aimé moins ampoulé et surtout moins convenu dans ce qu’il montre, et démontre. Ce sont des tableaux figés, des mises en place trop visibles, dont les mouvements sont artificiels et sans mystère. Côté scénario, le problème semble être le même : de grands axes dramatiques, robustes, qui cherchent avant tout à affirmer, ne laissant aucune place à l’imagination du spectateur. L’art de Lully est en fait étrangement absent du film. Une ou deux scènes, peu convaincantes, nous le montrent avec Molière mettant au point un spectacle, révélant le manque d’imagination de Corbiau sur ce point. Il nous vient alors quelques réminiscences du Molière d’Ariane Mnouchkine et de son étrange réalisme, dont le seul souvenir ternit la vision du Roi danse.
Gérard Corbiau va à l’encontre de la vraisemblance psychologique qu’il semble pourtant rechercher et donne une version trop claire, très sommaire de ses personnages : il les fait agir grossièrement, retrace les grandes lignes de leur comportement sans s’interroger sur leur existence réelle. De Lully et de Louis XIV, on ne saura pas grand-chose, puisqu’ils sont réduits à fournir la base de stéréotypes. Au lieu de laisser des lacunes, des hésitations (ce qui aurait été plus honnête), Corbiau veut à tout prix « donner vie » à l’Histoire et, comme un bon élève, colorie dans les cases. Les acteurs en font des caisses : Borris Terral déploie un jeu maniéré, à base de mèche de cheveux tombante sur regards ténébreux ; Tcheky Karyo peine à convaincre dans le rôle de Molière malgré ses réels (et louables) efforts. Benoît Magimel a le beau rôle et l’assume, donnant une certaine prestance au personnage de Louis. Tous s’agitent dans les décors luxueux et les dorures de Versailles, perdus dans un film sans souffle narratif, ni véritables partis pris formels. Documenté, plein de passion mais aussi d’idées toutes faites, Le Roi danse verse très naïvement dans le pire des racolages. Preuve qu’il ne faut pas confondre cordes de luth et grosses ficelles…