En ces temps de course effrénée aux cadeaux de Noël, la sortie sur les écrans du documentaire de Manuel Poirier aura au moins l’avantage de nous faire relativiser les retentissantes mises sur le marché de la PlayStation 2 ou du quatrième tome des aventures d’Harry Potter. En s’intéressant aux histoires difficiles de quatre enfants placés en famille d’accueil ou en foyer, De la lumière quand même rétablit (pour un temps ?) notre échelle des valeurs, sérieusement mise à mal par les joies de la consommation. A l’occasion d’un documentaire pour France 3 sur l’enfance en France, Manuel Poirier parcourt les centres d’accueil et rencontre Mickaël, Sébastien, Mehdi et Ali, des petits garçons âgés de 9 à 12 ans. Touché par leur parcours traumatique, il décide de leur donner la parole plus longtemps en leur consacrant un film : De la lumière quand même.
Dénué de tout misérabilisme, le long métrage de Manuel Poirier repose sur la simplicité de son dispositif : constamment en hors-champ, le cinéaste pose des questions aux enfants qui ont été libre de choisir leur endroit préféré pour passer à la postérité. Cadrés la plupart du temps en gros plans, ces entretiens font la part belle aux visages, singulières trognes déjà amochées par les vicissitudes d’existences contrariées. A l’intérieur de l’abri de jardin en bois duquel il peut entendre « le vent souffler et les oiseaux siffler », Mickaël raconte pudiquement les raisons de sa présence au foyer (des parents irresponsables, tâtant un peu trop volontiers de la bouteille) et répond aux questions du cinéaste avec une franchise et un bon sens désarmants. Si la parole est loin d’être fluide, révélant par ses hésitations et ses maladresses de langage un retard scolaire souvent inhérent aux « cas difficiles », on y retrouve heureusement une fantaisie toute enfantine que Manuel Poirier ne s’est pas privé d’enregistrer, histoire de laisser fuser la lumière dans ces trop grandes portions d’ombre. Le cinéaste d’ailleurs n’est finalement pas pour grand-chose dans la réussite de ce documentaire animé de main de maître par les propos de ses jeunes protagonistes. Aux questions parfois pas très finaudes de Poirier, du style « qu’est-ce que tu voudrais changer dans le monde ? », les réponses échappent aux lieux communs, et Mickaël de s’engager dans une fastidieuse description du rond-point près de chez lui où « l’on n’a pas mis comme il faut le feu rouge devant le bar-tabac »… Même chose pour les explorations pseudo-psychanalytiques de Poirier qui tombent vite à plat quand Sébastien, de loin le plus « problématique » des garçons filmés, lui rétorque, un peu surpris par la question, qu’il ne rêve pas.
Au cœur de ce documentaire, la parole de l’enfant n’est jamais revancharde, ni accusatrice. Ponctuée de sourires, elle laisse encore planer l’espoir d’un futur ouvert pour ces petits « marginaux malgré eux ». Alors on se risque à espérer très fort que ces rêves, réunis pour la plupart dans la sage trilogie -famille, maison, travail-, aient au moins une opportunité de se concrétiser.