A 30 ans John Sullivan est un joli inspecteur de police avec des yeux bleus, mais quand même ténébreux. Il habite dans une maison plutôt sombre, les rideaux sont toujours tirés. Mais pourquoi cette ambiance morose, aurait-il bobo à son cœur ? Eh oui : sa copine le quitte dès le début du film, en lui disant que vraiment jamais il ne changera, décidément non. Et le voilà qui reténébrise pour une nouvelle couche : déprime-whisky-yeux mouillés, quand soudain il voit au-dessus de sa maison une aurore boréale toute colorée. Alors il fait « Oh… » avec un sourcil levé, flic façon Actor’s Studio, dubitatif de bazar. Il va se passer quelque chose…
Ce stabylobossage vérifonctionnel de tous les éléments à l’écran (ça s’appelle une scène d’introduction, ça doit parler à tout le monde, y compris aux méduses) nous rappelle qu’on se trouve bien dans une production hollywoodienne de base, et qu’il y a lieu d’éteindre le plafonnier pour tout spectateur de plus de 15 ans ayant déjà vu un film. Reprenons : « Boréale, parce que je le vaux bien ! » se lance en soi-même notre jeune héros, on sent que ça lui gratte du côté de la rédemption. A ce moment pourtant si proche du début, où l’ennui affleure bon le navet, on n’a encore rien vu. Parce que l’argument réel du film arrive. Attention les yeux. L’aurore électromagnétique va nous ouvrir une bonne vieille faille spatio-temporelle. Ce qui va permettre à John le flic, via une vieille radio à galènes, de causer avec le passé. Et je vous le donne en mille : de parler avec son papa-héros-pompier-décédé-au-feu, et même de le sauver des flammes en lui disant de prendre la fenêtre plutôt que l’escalator. Ce qui a pour effet de boulversifier tout, parce que si tu touches au passé tu sais plus diantre de quoi le présent est fait. Non c’est pas nébuleux, c’est boréal. S’ensuit une enfilade de scènes où à 30 années de distance, et en courant sur des guitares wah-wah, ils sauvent leur petite famille de tout : cancer de la cigarette, psycho-killer, chute des cheveux, accident de vélo. Evidemment happy-end, la radio pète, ce qui les empêche de sauver le reste de la planète, et d’ailleurs l’aurore shampouineuse se referme…
Dennis Quaid avoue avoir adoré jouer les pompiers dans des vraies flammes, le genre de déclaration qui cherche probablement à combler les vides abyssaux. Dans The Final countdown (qui doit s’appeler en français « Retour vers le Nimitz »), il y avait Kirk Douglas et un porte-avions, dans Retour vers le futur une De Tomaso et Michael J. Fox. Ici, l’argument, hyper-rebattu et toujours merveilleusement foireux, n’a aucun réel relais cinématographique (Ah si, la radio est bien). Et la morale « On joue pas avec le destin pasque c’est le taf à Dieu », à défaut de nous prendre pour des demeurés parfaits, fait partie de la mystique schizo-dominatrice hollywoodienne dont on est en droit de se sentir exclu, dans notre petit tiers-monde. Inutile de parler des acteurs et du réalisateur : une production totalement improbable qui ne parle de rien, nettement en dessous de la moyenne du genre. Inexistant.