On croit qu’on en est sorti est bouleversant. Un bel objet, un beau motif. Une mise en musique de la prose de Georges Hyvernaud, auteur mal connu qui, au sortir de la guerre, écrivait La Peau et les os, réquisitoire au noir où il évoque sa captivité, texte militant pour l’homme contre son propre système. Mais peu importe la thématique au fond. Car la puissance des mots, leur choc visuel suffisent à eux-mêmes et alertent encore aujourd’hui.
On peut donc remercier Serge Teyssot-Gay de s’offrir comme caisse de résonance de cette grande littérature, de celle qui change la vie, du moins sa perspective, et qui se trouve ici dite (et non pas chantée), habillée (et non pas couverte). Le risque du ridicule, du laborieux, de l’emmerdant était grand, mais le geste est maîtrisé. Car Teyssot-Gay n’est pas qu’un passeur (il faut donc découvrir Hyvernaud). Son travail solitaire est magnifique, recherché. Il ne s’efface pas devant son sujet pas plus qu’il ne se laisse écraser : il fait bloc et communie avec l’auditeur. Ce dernier est invité à lire concrètement le texte, un livre est fourni avec le CD. On notera ici l’élégance de Teyssot-Gay, car ce livre ne se limite pas aux seuls verbatim utilisés dans On croit qu’on en est sorti. Pas d’appropriation donc mais toujours cette ligne de partage. Si bien que le choix est implicitement laissé : la respiration susurrante, percutante ou dérangée de Teyssot-Gay ou bien la nôtre au fil de la lecture.
Il faut bien sûr parler de musique, car Teyssot-Gay fait aussi un extraordinaire travail de compositeur. Il colore, assombrit, électrise ces phrases brûlantes qui appellent au secours, ces vomissements de révolte. Serge Teyssot-Gay milite : la marge c’est le centre, les combats d’hier sont ceux d’aujourd’hui. Il est douloureux parfois d’écouter du rock.