En pleine déferlante de RPG et autres jeux de stratégie redondants au sein des ludothèques PC, le jeu de console devient presque un genre à part entière, un îlot de production décalée, tant dans la forme que le fond. Les Fous du volant, adaptation Dreamcast du célèbre dessin animé hallucinatoire, donne dans le pendant le plus fun du jeu de voiture ou de rallye, resucée brillante des feus Mario Kart de notre enfance.
Encore diffusé massivement de nos jours sur le câble à raison d’une dizaine d’épisodes par jour, le dessin animé contient tout un système comique qu’il a été aisé de retranscrire dans l’univers d’un jeu de console : couleurs criardes et simplistes, gimmicks discursifs à gogo et antimanichéisme forcené. Bref, un monde où, contrairement à l’univers utopique du héros de Nintendo, tous les participants de cette course effrénée donnent dans l’abominable et sont obligatoirement mesquins. Le résultat à l’écran ? Des courses courtes se déroulant sur les pistes sinueuses de décors végétaux flashy, le tout servi par une stase de jeu hachée par le rythme chaotique des pneus, bubblegum ou autres coups de massue de vos concurrents.
Plongée dans l’enfer bon enfant du rush de départ, la projection cartoonesque du joueur est assaillie en quelques secondes par les injonctions des autres participants, rapidement agrémentées des sorts inventifs jetés par Rufus la Rondelle & Saucisson, le sergent Grosse-Pomme et le soldat Petit-Pois, Pénélope Jolicœur ou autre Malabar & Malabille. Bref la bande à Satanas et Diabolo s’en donne à cœur joie et tire dans le tas de façon continue, pousse par touchettes alternatives leurs adversaires sur les bas-côtés, explose en chaîne et revisite de manière décalée toute idée de fair-play ou de respect d’autrui. Enfin un jeu made in Sartre ?
La mise en route est rapide : choix draconien d’un véhicule aux attributs débilitants et jouissifs (turbo-pussycat ou tocard-tank ?) puis direction un circuit (trois dans un premier temps) et assignation des touches ; en vingt secondes au pire vous êtes lancés sur des routes explosées en compagnie de « la plus démoniaque équipe de timbrés qui ait jamais participé à cette folle poursuite ». La progression dans le jeu se fait quant à elle de façon plutôt logique, quantifiée par un système d’étoiles qui ouvre la porte à de nouvelles courses et de nouveaux engins plus décatis les uns que les autres. A système de bonus classique, compréhension aisée ; et ce n’est d’ailleurs pas la moindre des qualités de ce speedracing de présenter une interface claire et un plan d’évolution tout tracé, permettant ainsi au joueur de ne pas se perdre dans l’univers pataphysique du jeu. L’identité de ce « Wacky Racers » réside d’ailleurs dans l’habillage sonore et la maquette graphique qui relèvent tout deux d’une esthétique qui emprunte allègrement aux courants majeurs des cartoons, de Tex Avery à Hanna Barbera grande période.
Si le jeu arrive à s’affirmer ainsi, c’est aussi car ce genre de rallye où l’humour et la jouabilité -extrême- prédominent est en voie de disparition. Dans une ère logicielle où le tout technologique tend à s’imposer de façon démiurgique, l’apparition d’ovnis ludiques comme Les Fous du volant semble pouvoir fédérer un large public que les responsables marketing auront vite fait de résumer sous les termes génériques de « petits et grands » ou de « sept à soixante-dix-sept ans ». Posologie pour l’été : deux heures de pratique journalière. Mieux qu’un speedball Prozac/Xanax ?