Force est de constater que la dernière réalisation du tandem Bioware et Black Isle bénéficie de tout le talent et du savoir-faire des concepteurs de Baldur’s Gate. Nouvelle adaptation de l’univers le plus couru d’Advanced Dungeons & Dragons, Les Mondes Oubliés, Icewind Dale se révèle à plus d’un titre un modèle d’école tant la conception du soft est réussie. Un passé légendaire et mythique, un combat titanesque entre forces du bien et du mal constituent les tenants et les aboutissants de cette énième épopée d’heroic-fantasy. L’action se déroule cette fois-ci dans des contrées comme par hasard éloignées et pour le moins fort dangereuses. Une moisson généreuse de monstres plus affreux les uns que les autres, une panoplie d’armes à faire pâlir les aficionados des Quake-like, des sorts en veux-tu en voilà complètent la liste déjà très fournie des ingrédients indispensables à tout bon jeu de rôle qui se respecte. Classique par excellence, Icewind Dale reprend les règles riches et complexes des tournois sur table. Première étape primordiale : le choix des éléments de l’équipe confine le néophyte à la parano la plus totale. La liste de classes, de races, de sous-races, voire de croisement entre espèces, relève d’une alchimie plus que mystérieuse, ou du moins d’une combinatoire quantique qui comblera les puristes. L’équipe recrutée pour le meilleur et pour le pire, votre quête peut enfin commencer.
Côté réalisation, peu de surprise, mais c’est efficace, moteur graphique et interface de Baldur’s Gate obligent. Pas nécessaire de posséder la dernière carte vidéo à la mode puisque la résolution est bloquée à 640×480. Peu importe, les décors savamment élaborés, une multitude de cartes riches, des ambiances sonores dignes des plus grandes bandes originales plongent avec une facilité déconcertante le joueur dans l’univers envoûtant d’AD&D. Quant aux voix des personnages, elles sont d’une facture honorable.
Seule ombre au tableau, l’intrigue est d’une pauvreté affligeante. Les quelques sous-quêtes permettant d’obtenir les fameux points d’expérience sont bien moins fournies que celles de son illustre prédécesseur et ne parviennent pas à transcender le rôliste habitué à des nourritures plus substantielles.
Mais c’est évident, Icewind Dale s’oriente vers un gameplay davantage axé action. Hélas, la gestion des combats, si elle traduit fidèlement les préceptes de ses ancêtres de papier, s’accommode mal de sa métamorphose virtuelle. Mélange de temps réel et de tour à tour, les affrontements constants provoquent, au choix, une souffrance indicible ou un énervement rageur. Par mesure de précaution, mieux vaut sauvegarder la partie en cours puis lancer la guerre salvatrice, sous peine de voir des heures d’effort englouties par le premier troll des glaces venu ou l’un de ses nombreux confrères, le doigt posé au préalable sur la touche pause afin de réajuster si nécessaire la tactique envisagée. Ou alors dans un dernier sursaut suicidaire, tout laisser tomber et profiter du spectacle de la mise à mort de son équipe dans une orgie d’effets sonores et lumineux. Impressionnant.
Qu’on se le dise : une réalisation exemplaire situe Icewind Dale bien au-dessus des centaines de RPG qui inondent chaque année le marché ludique. Mais si la tentative de coller au plus près le JDR sur table fonctionne admirablement avec Baldur’s Gate, elle pénalise ici cet opus clairement conçu pour un plus large public.