Quand on décide d’appeler un jeu « Evolution », on prend inévitablement le risque de s’attirer les sarcasmes d’un testeur bougon, tant ce genre de titre semble sous-entendre une ambition démesurée. Quitte à faire preuve de mauvaise foi, puisque bien entendu cette « évolution » se réfère plus aux enjeux du -maigre- scénario de ce sushi-RPG qu’à un quelconque désir de révolutionner le genre. Mais, après tout, comme Ubi Soft se complaît à le claironner, Evolution est « the first RPG on Dreamcast ». Et qui dit console nouvelle génération, dit RPG nouvelle génération… Non ? Il faut croire que c’est loin d’être une évidence…
Si Evolution s’était contenté d’être un nouveau FF VIII ou Chrono cross avec des graphismes aussi puissants que ceux de RE:CV, on ne se serait pas vraiment plaint. Evidemment, ça n’est pas vraiment le cas, sinon, le jeu ne serait pas affublé d’une seule et misérable petite étoile. Evolution cumule les défauts habituels du genre : linéarité extrême et combats incessants. Sans en avoir les avantages : un scénar’ en béton. Non seulement l’intrigue s’apparente à du « sous-Grandia light » -jeune aventurier, artefacts, ancienne civilisation et vilains militaires- mais en plus, elle n’a quasiment aucune incidence sur le déroulement du jeu… sauf vers la fin, mais vous vous serez sans doute endormis avant. En clair, il s’agit de parcourir des donjons de plus en plus immenses, d’y trouver le gros boss qui s’y cache et de lui chiper son joli trésor. Une fois cette mission accomplie, vous pouvez retourner dans votre petit bled et échanger votre trouvaille contre des espèces sonnantes et trébuchantes, puis… recommencer la même opération dans un autre donjon.
Avec ce genre de concept au ras des pâquerettes, on peut obtenir des jeux honorables, genre Jade Cocoon, ou Diablo côté occidental. Malheureusement, histoire de vraiment nous énerver, les concepteurs de chez Sting ont cru intelligent de créer des donjons générés aléatoirement, l’exemple type de la fausse bonne idée. Car si les différents niveaux ne sont effectivement jamais les mêmes lorsque vous revenez sur vos pas, ce système rend les donjons vides de tout intérêt et de rebondissements. Une succession de couloirs, de monstres et d’items atrocement répétitive, un interminable tunnel d’ennui d’autant que les décors sont d’une pauvreté à faire mourir de rire un possesseur de Sega Master System. De plus, comme le nombre d’étages à visiter augmente au fur et à mesure, on vous laisse deviner à quel point le dernier donjon est un monument de « chiantitude », plus douloureux à parachever qu’un accouchement sans péridurale.
Finalement, les seuls à mériter cette fameuse petite étoile sont le compositeur Masaharu Iwata et le character designer, Yumiko Uekusa. Le premier nous a concocté des thèmes, non pas inoubliables, mais plutôt agréables à l’écoute. Quant au second, c’est le géniteur de personnages franchement attachants dans le genre anime-SD, particulièrement les héros. Et puisque l’effet de pixellisation semble désormais être de l’histoire ancienne, on peut goûter aux joies des énormes gros plans sur des expressions du visage souvent tordantes et craquantes. Hélas, dans ce contexte, on n’aurait pu nous refourguer Pikachu et ses potes Pokémons, ça n’aurait pas énormément changé la donne. Les protagonistes d’Evolution auraient amplement mérité une intrigue beaucoup plus riche sur laquelle se reposer.
La PlayStation n’a pour le moment pas de soucis à se faire dans le domaine des RPGs. Ne perdons pas complètement espoir toutefois. D’ici la fin de l’année, Grandia 2 devrait débarquer… Sans parler de Phantasy star online : de quoi sérieusement secouer le cocotier. Et puis Shen Mue, si les problèmes de traduction sont réglés d’ici là. Des titres sacrément alléchants pour ceux qui auront l’infinie patience d’attendre la fin de l’an 2000.