Malgré des chefs-d’œuvre « anime » (à prononcer en version japonaise) tels qu’Akira et Ghost in the shell, le monde du jeu vidéo ne s’était bizarrement jusqu’ici que très peu intéressé aux possibilités offertes par des histoires profanant l’âme humaine. Le voyage magistral au cœur de nos doutes existentiels organisé par Mamoru Oshii n’avait entre autres donné qu’une adaptation frénétique en forme de shoot’ débridé. Plutôt limite pour les amateurs de SF cybernétique… Pourtant que ce soit Philip K. Dick ou William Gibson, les papes de la science-fiction contemporaine ont littérairement accouché de thèmes terriblement excitants, aussi bien visuellement qu’intellectuellement. Galerians déboule donc au bon moment, celui où il peut tirer à lui toutes les couvertures de l’imaginaire futuriste sans avoir à s’expliquer sur des ressemblances avec la concurrence. Et les influences de Galerians sont innombrables. En 2522, l’entité Dorothy, un ordinateur central aux ambitions divines, se met à la recherche d’un couple d’adolescents, dernier rempart à la destruction du genre humain. Le personnage principal, Ryan, se réveille amnésique traversé par des visions, certaines issues de ses souvenirs et d’autres probablement provoquées par les manipulations chimiques dont il a été le cobaye…
L’avantage de sa vie désormais résumée aux actes présents est qu’il se découvre rapidement des pouvoirs psychiques ignorés jusque-là. La sauce Resident evil (on peut d’ailleurs regretter qu’au niveau de la maniabilité il n’y ait pas eu plus d’innovations…) se voit nappée sur une aventure aux apparences classiques (recherche d’objets, résolution d’énigmes et affrontements) mais agrémentée d’une grosse louche de cyberpunk. Pourchassé par une horde de furieux aux ordres de la déesse numérique, vous devez retrouver Lilia, votre compagne d’infortune qui possède en elle le virus qui mettra fin au règne de Dorothy. Guidé par de mystérieux messages télépathiques, vous affrontez tout au long de l’histoire l’armée cybernétique créée uniquement pour répondre au désir de statut divin du HAL au féminin et pour effacer tous les obstacles à son fantasme. Les Galerians, clônes certifiés modifiés, utiliseront tous leurs pouvoirs (tempête de feu, télékinésie, appui du paranormal…) pour vous entraîner dans des duels. Là, il s’agit de puiser dans ses forces psychiques pour espérer (re)découvrir celui qu’on incarne. Heureusement, si vos capacités ne sont pas infinies, vous avez de quoi vous refaire une santé grâce aux médicaments disséminés ici et là sur votre chemin. Dommage d’ailleurs qu’ils n’apparaissent pas dans les décors ce qui condamne le joueur à chercher dans tous les recoins la moindre petite capsule. Inutile néanmoins de connaître le Vidal mais les différentes substances sont assez nombreuses pour devoir s’y plonger quelque peu. Le Vermillon accélère les molécules de votre cible jusqu’à l’enflammer, le Nalcon vous permet d’envoyer une onde de choc, la Curatine augmente vos PV (les points de vie)… Et pour arriver au bout des trois CD, il faudra en prendre des quantités gargantuesques ! Comme tout dopage, ça finit par atteindre l’organisme… Au-delà d’un certain seuil pharmacologique, un phénomène de saturation se produit et Ryan ne contrôle plus. Toute forme vivante au psychisme trop faible est en sa présence détruite ! Hélas, Ryan perd des PV tant qu’il reste dans cet état de surcharge et le seul moyen d’y mettre fin consiste à avaler du Dermétol. Idée géniale qui oblige le joueur à gérer son stock médical intelligemment et prolonge une durée de vie moyenne. N’empêche, si on le retourne en un week-end acharné, Galerians, avec son scénario tortueux et torturé, possède de quoi marquer la culture vidéoludique par son ambiance étouffante où la violence ne paraît jamais gratuite malgré des scènes jouissivement traumatisantes. De quoi faire naître de nombreuses interrogations quant à son propre Moi, notamment grâce au rebondissement final… Surprise.