Ce n’est pas qu’on tenait jusque là Elie Chouraqui pour un cinéaste raffiné, mais là, quand même : Ô Jérusalem est l’adaptation d’un gros best seller des familles sur la naissance mouvementée de l’état d’Israël, et le moins que l’on puisse dire, à subir ce pâté de cinéma deux heures durant, c’est que Chouraqui au cinéma a du mal à se défaire d’un habitus d’entertainer. Le sujet, on s’en doute, lui tient à cœur, mais Ô Jérusalem ressemble davantage à un remake des 10 commandements au Stade de France, qu’à une fresque épique, ce à quoi il semble pourtant aspirer. L’effet spécial du film, c’est le scénario. Jugez plutôt : deux amis américains, un Juif et un Arabe, s’aiment d’amour tendre à New York. Insouciants, jeunes, fous, ils sont comme rappelés à l’ordre par l’histoire, lorsque les premiers heurts entre Juifs et Palestiniens éclatent du côté de la ville trois fois sainte. Ni une ni deux, les compères partent en Palestine main dans la main, et mettent une heure de film à réaliser qu’il sera difficile de rester potes dans une situation pareille. Car tous deux sont happés par les événements. L’un, sans faire exprès, devient l’assistant de Ben Gourion, tandis que l’autre, pas de bol, devient le chef de la résistance palestinienne. De leurs rapports, le film n’enregistre que des bousculades, quand nos deux héros se croisent ici ou là, surgissant de derrière un mur ou un bosquet, se bousculant presque dans le plan sur l’air de « vous ici ?! », et ce toujours à peu près au moment où on s’y attend le plus. C’est dire si on y croit.
On peut s’étonner de la neutralité très précautionneuse du cinéaste, avec un sujet pareil. Mais c’est logique, seul l’occupe la fabrication d’un programme politique qu’on pourrait résumer à un slogan du type « c’est pas fastoche de rester potes, mais c’est bien d’essayer ». L’amitié est-elle plus forte que la guerre, préférable à la haine ? Sans doute, oui. Et la démonstration de ce scoop occupe l’essentiel du film qui dégouline de partout quand il n’est pas occupé à expliquer que tout le monde a ses raisons (pas faux) et à tapisser sa reconstitution toc de guimauve, de monologues émus, de cartons pédagogiques, d’une armada son et lumière complètement désincarnée et dissonante, qui le plongent dans un ridicule achevé.