On a coutume de dire qu’il n’y a pas plus cruel qu’un enfant à l’égard d’un de ses camarades, que la cour de récréation est le premier apprentissage des dures lois de la vie. Maria Messina se penche sur un autre cas de figure, celui de l’adulte qui fait subir intentionnellement ou non, des brimades, des petites humiliations à ceux qu’elle appelle les « petites personnes ». Elle a choisi un contexte : la Sicile au début du siècle. Elle nous parle d’un milieu pauvre où l’on demande à l’enfant d’oublier qu’il n’est pas encore un adulte. On lui demande de jouer un rôle, de remplacer le père ou la mère qui manque. On voudrait qu’il ne soit pas un poids, et on lui fait sentir. A travers deux séries de nouvelles intitulées Petites personnes et Après l’hiver, Maria Messina s’adresse aux enfants que nous avons été. Et même si les prénoms changent, même si la condition diffère, même si nous n’achetons plus un pain pour quatre sous, les souvenirs resurgissent et ça peut faire mal. Dodo découvre la ville lors d’un voyage chez des cousines. Elle rêve comme Cendrillon de rencontrer le prince charmant et se fait humilier par un cousin apprenti manipulateur. La petite Gisa, elle, s’enferme dans une parodie de mensonge parce qu’elle ne veut pas avouer à sa mère que l’argent qu’elle lui donne pour son déjeuner sert à sauver une vieille dame. Elle l’a rencontrée sur le chemin de l’école et ne compte pour se nourrir que sur l’unique œuf que lui pond sa poule tous les jours. Toutes ces mésaventures qui paraissent si dérisoires aux adultes hantent le sommeil des petites filles. Lorsqu’on est enfant, on ne veut pas spécialement être pris comme tel, mais c’est aux adultes de savoir trouver les paroles réconfortantes et vraies. On ne veut pas non plus subir les agressions d’un monde dans lequel on a tout le temps de faire son entrée.
Dans la droite ligne d’un Vialatte ou d’un Wedekind, Maria Messina a su se replacer dans un état enfantin, trouver les mots justes, les correspondances et surtout conserver la nostalgie et l’état de plénitude de nos premières années. La recherche d’une reconnaissance de nos aînés, expression d’une fierté discrète, sans ostentation, suffit à rendre un enfant heureux. De même la simple manifestation de la compassion, lorsque celle-ci est nécessaire à rassurer une âme blessée, est à la portée de tous. Chez Maria Messina, les adultes sont égoïstes, maladroits, furieusement humiliants, souvent par simple ignorance. C’est ce qui touche au plus profond de notre propre histoire.