Aka Moon est passé en quelques années du statut de valeur montante à celui de valeur sûre du nouveau jazz européen. Alors que la plupart des jazzmen français se vautrentdans la redite à tout va, ce collectif belge semble avoir compris que le vaste terme de jazz ne demande qu’à être ouvert et redoré. Aka Moon, c’est avant tout une logique d’ensemble, tant dans la composition que dans la plurivocité des interprétations. D’un combo de base qui aurait pu être un énième quartet à l’âme toujours plus bop, le noyau dur du groupe a su imposer une culture ‘guest musician’ totalement passionnante. Avec cette sorte de sous-traitance musicale à tout va la trilogie piano, rythmique (basse/ batterie) et sax alto se trouve colorée par les incursions spontanées de cordes, cuivres et orgues. On l’aura compris, le tout demande une coordination précise et rigoureuse, ce qui n’enlève pas pour autant toute prétention libertaire d’une musique découlant directement de l’esprit free-jazz.
Certains crieront sûrement à un revival New Thing, cette musique si novatrice imposée par Ornette Coleman à la fin des années soixante à coup d’archets mal placés. Qu’importe, la musique d’Aka Moon conserve un grain d’originalité non négligeable et convoque bien plus que les influences trop traçables de quelques géants du jazz souvent cités. Chercher du côté de Zappa ou de Soft Machine pour comprendre les arrangements complexes de ce « work in progress » serait d’ailleurs beaucoup plus pertinent, tant le croisement des cultures rock et jazz semble être inscrit au cœur même du projet du groupe. Invisible sun est ainsi un album composé de titres courts, à la stase hachée, et au résultat contraponctuel mêlant tempos décalés et mélodies à l’envers. Un grand charivari coloré façon Strip-Tease