Christian Vander, sur lequel on a décidément beaucoup écrit et fabulé, est, sans doute possible, l’un des grands créateurs de musiques improvisées en France. On pouvait le retrouver courant mai 2000 au Trianon à la tête de Magma, le groupe fétiche de jazz rock progressif dont il fut un des pères fondateurs avant d’en devenir le maître, participant à la création d’un langage instrumental mais également d’une langue propre. Vander est un extraordinaire percussionniste, un compositeur imposant mais avant et surtout un artiste intègre dont la droiture vis-à-vis de l’engagement musical peut confiner à l’intégrisme. Mais faut-il dévisser de sa crête lyrique quand un tumulte de nullité vient marteler la paroi ? Depuis le milieu des années 60, notre homme mène une quête mystique et mystérieuse de la résonance, des obsessions sonores, tonales et toniques et des rythmes hallucinés. Il relate dans le présent livret un épisode touchant de la genèse de son entrée en chamanisme, décrivant le petit Christian à 5 ans, chez qui on se plaît à imaginer le même regard bleu hypnotique que celui de l’adulte, partant en transe sous le regard sceptique de sa première fan (vanderette ou magmette ?).
Korusz puise au sein des archives de Magma afin d’exhumer quelques mémorables chorus de batterie joués entre 1972 et 1975. Il s’agit d’un témoignage qui, s’il risque de lasser ceux d’entre nous qui ne sont ni percussionnistes réels ou virtuels ni sujets à la transe, ravira les autres. En effet, le résultat est tout bonnement fascinant, tant le pouvoir d’évocation, les couleurs déployées par Vander, sa puissance, sa finesse et sa précision rythmique mais avant tout sa prodigieuse énergie semblent sans limite. Exemple : le chorus de Londres du 17 mars 1975 où, partant d’une sorte de samba interprétée sur la grosse caisse et les cloches, il nous entraîne vers une bossa frénétique jouée sur les cymbales. Le mouvement se développe ensuite par une exploitation systématique et exhaustive de roulements sur les toms et la grosse caisse à des vitesses supersoniques alors que la main gauche continue à battre un tempo sur la cymbale (quel autre batteur a inventé autant de figures machiavéliques ?) avant de revenir triomphalement sur l’idée de départ à nouveau exploitée. Magistral… Bien qu’un peu difficile à assimiler et parfois indigeste, la leçon reste imposante parce qu’elle se situe à la croisée de ce que l’instrument a reçu de meilleur en provenance du jazz (complexité, syncope, impression d’approximation, blues) du rock (mise en place, efficacité) et de patterns rythmiques plus traditionnels mais réappropriés (brésiliens, antillais, africains). Le seul élément que Christian Vander laisse de côté est sans doute le silence. Mais comment demander à un volcan d’exploser tranquillement !