C’est une marque de fabrique. Pas de percussions. Des guitares. Un violoncelle et un accordéon jadis. Et désormais, un piano ou un synthétiseur à la place. Et une voix. Celle de Teresa Salgueiro, ex-chanteuse de Os Amenti, un groupe de garage. Une vierge innocente au timbre exceptionnel. Tristesse et nostalgie mêlées. Saudade, comme on dit. Fondée il y a près de quinze ans par Pedro Ayres Magalhaes, ancien bassiste rock de Herois Do Mar, transfuge du conservatoire classique obsédé par la culture populaire, Madredeus est une aventure onirique, intemporelle et acoustique, basée sur la langue (le portugais) et l’identité (patrimoine musical renouvelé). Antologia est un revival, en attendant le prochain album prévu au printemps 2001. Trois membres, dont Rodriguo Leão, co-fondateur du groupe, sont partis après la sortie de l’album Aïnda en 1995. A leur suite, les médias annoncèrent la mort du groupe. Erreur. Pour preuve, l’excellent O Paraiso paru en 1997 et dont on retrouve la trace sur cette magnifique compilation de dix sept titres, qui contient deux surprises de taille : Oxala, un inédit, et As brumas do futuro, extrait de la B.O. du film de leur compatriote Maria Medeiros sur la révolution des œillets (Capitaines d’Avril). De quoi nous faire patienter.
Qui aurait cru au début que la formation allait devenir le phare incontestable d’une certaine musique populaire portugaise de par le monde? Que Wenders allait succomber à leur charme, au point de leur tailler un rôle sur mesure dans Lisbon story ? Que la sensualité et la grâce d’une Teresa Salgueiro talonnerait de près le génie d’une Amalia Rodriguez ? Seule l’émotion transmise par les chants de Madredeus, qui approche le fado sans s’y soumettre, en témoigne. Mélodies authentiques qui auraient pu se prévaloir d’un autre temps. Une esthétique post-moderniste en réalité, qui réconcilie le passé et le présent, en explorant un ailleurs possible à l’intérieur même du Portugal musical (Un « futur meilleur » pour reprendre le titre de la biographie que leur a consacré Jorge P. pires). Madredeus, dont le nom vient du quartier Madre de Deus (mère de Dieu), où ils donnaient des concerts dans une église construite au XVIe siècle, chante l’aventure, le désir, l’éloignement et réinventent en passant, sans le vouloir peut-être, une forme de sacré dans l’interprétation musicale.