Kamer feeling en sous-titre, album pays pour les initiés, album de la réconciliation pour un homme jadis blessé par ses compatriotes. Mboa’su, autrement dit « chez nous » en bon français est synonyme de ressourcements pour Manu. Le vieux sage négropolitain s’invite au Cameroun natal sur sept titres. Citoyen du monde convaincu, il n’en a pas moins ressenti la nécessité de retrouver ses racines en rythme, après des années d’exil sublimé dans la nuit parisienne. Comme toujours, il apparaît bien entouré. Plus on est de fous, mieux on s’éclate : Ekwabi et sa basse, Sitson et sa voix, Canonge et son piano. Ou encore Malekani le fidèle à la guitare. Des complices de classe, pour rester fidèle à la légende du grand sorcier. Les notes partent un peu trop en dérapage contrôlé malgré tout. La musique est certes merveilleusement interprétée, mais dans un répertoire connu, sans trop de surprise. C’est vrai que la reprise du fameux tube de Franklin Boukaka (Ayé Africa), déjà ressorti par l’équipée du Bisso Na Bisso, se distingue par son allure détachée et par sa pulsion mesurée. Mais dans l’ensemble, Manu n’a fait que remettre le doigt sur son vieux répertoire pour égayer cet album.
Bien sûr, il y a du reliftage sensible dans l’air. Les arrangements sont lumineux sur certains titres, notamment lorsqu’on se retrouve en terre dombolo (Weya mouna), avec cette rage qui anime la pop music venue des nuits de Matonge au Congo, en plus soigné et en plus léger certainement. Nostalgie joyeuse, Oh ! Koh !, le troisième titre, entraîne également sur un vieux délire makossa, qui en excitera plus d’un. Pas intérêt à avoir mal aux reins, l’ambiance club est bien retraduite pour le coup. Il est quatre heures du mat’ à Douala. Une dernière danse pour la route, la boîte va bientôt fermer… Le reste du groove kamer de Mboa’su semble cependant moins inspiré. L’afro-beat de Big blow, avec un hommage appuyé à Fela, bien que rondement mené, déroute par ses raccourcis légèrement « tendance ». La touche rap de fin de morceau, pourtant assez rapide, alourdit quelque peu le pas. Maya bobé, chargé par certains côtés (la petite note de salsa n’apporte pas forcément ce que l’on attendrait d’elle), pèche par son orchestration superléchée. On se surprend à rêver d’un Manu Dibango complètement inédit. Car c’est éternellement le même problème, avec la reprise de vieux standards : on en demande toujours trop. Et même quand son saxe redouble ici les instants de génie en folies majeures, on demeure sur sa faim. Dommage pour ceux qui connaissent l’oiseau.