Randonnée sonore dans une région restée longtemps inaccessible au monde. Marco Polo y fit semble-t-il un passage en 1720. Lieu de passage pour le commerce entre l’Orient et l’Occident notamment, les montagnes du Badakhshan, hautes de plus de 7400 m, sont le lieu d’une culture qui a traversé les siècles, sans coup férir. Lieu de vie mais également d’isolement pour des peuples aux traditions fortes, les vallées du Pamir ont su développer un art musical très longtemps ignoré du reste du monde. Quelques travaux réalisés par des ethnographes au début du XXe siècle permirent d’identifier en partie la richesse des chants et mélodies populaires de cette région. Mais il a fallu attendre les années 50 que l’Académie des sciences du Tadjikistan se penche sérieusement sur la question pour commencer à disposer de données solides. Un long travail achevé en 1970, par une équipe de Nourdjanov, qui a remonté le cours du temps vallée par vallée. D’après ses travaux, les occasions pour écouter de la musique sont nombreuses. Tout est prétexte à… Le nouvel an « Nowrouz », les naissances, les compétitions sportives, la disparition d’un être cher, etc.
Orchestré autour de la vie des poga, sorte d’espace privilégié ou de plate-forme pour cérémonies à l’intérieur même des maisons familiales, le répertoire convie danseurs, chanteurs et instrumentistes, amateurs et professionnels selon un rituel rigoureux, qui interprètent des pièces de facture très complexe, se terminant selon la circonstance par une mélodie de danse très rythmique. Si l’on s’attache aux pièces pour cérémonies funéraires, une légende du Pamir raconte que l’âme pénètre toujours l’âme humaine au son du robab. C’est la raison pour laquelle les trois veillées qui suivent l’enterrement sont accompagnées de façon quasi permanente par cet instrument, durant les falak (genre qui incarne l’ascension de l’âme vers d’autres cieux). Les falak sont également un moment où la mère et la sœur du défunt peuvent être amenées à danser. Instrumentale ou chantée, la musique du Pamir fait partie des patrimoines les plus méconnus de la sono mondiale. En publiant ces enregistrements, réalisés en 1991 et en 1992 au Badakhshan / Tadjikistan par Sorour Kasmaï, avec la complicité de quelques virtuoses des différents genres musicaux existants, Buda Musique fait œuvre de mémoire. Loin des modes et des tendances, cet album correspond plus à un goût prononcé pour les musiques classiques et populaires du patrimoine sonore mondial. La qualité de certains chants force à faire le détour… Avis cependant aux adeptes des techno délires de toutes sortes : autant s’abstenir ! C’est une musique faite pour d’autres plaisirs.