Le monde à venir est voué plus que jamais à l’échange entre les peuples, les cultures, les modes de vie… Qu’une chanteuse malienne, reine traditionnelle du rythme didadi, typique de la région du Wassoulou au Mali, se retrouve sous la direction d’un guitariste jazz français ne devrait étonner personne. L’époque est aux fusions en tout genre. Les rencontres musicales sont devenues monnaie courante et permettent de créer l’événement. Ce qui surprend dans le nouvel album de Nahawa Doumbia, c’est la discrétion avec laquelle Claude Barthélemy s’est intégré à l’univers complexe des musiques à quatre ou trois temps de l’ex-royaume mandingue. Il n’a pas cherché, à l’instar de certains producteurs artistiques à l’ego surdimensionné, à imposer ses concepts et ses a priori. Non. Il a plutôt joué la carte des ébats empiriques. Concerts organisés comme autant de jam’s session, où chaque interlocuteur prend le temps d’intégrer la présence de l’autre, sans effusion de son brutale.
Prendre le temps de s’écouter. Se rappeler sans cesse que l’on est là pour mettre en valeur le répertoire de Nahawa, et non pour briller dans un quelconque état second. Décliner le superflu dans l’orchestration pour mieux l’éviter et prolonger le travail acoustique déjà effectué par l’artiste depuis quelques années. Collaborer avec N’gou Bagayoko, un habitué de l’univers sonore de la diva malienne, guitariste lui-même, et admettre l’incertitude qui accompagne l’interprétation traditionnelle comme une richesse… Un jeu de pistes en somme qui a abouti à un album serein, moderne et audacieux. Pas de heurt entre les guitares et l’instrumentation dite traditionnelle (kamalé n’goni, balafon, doundoumba…). Totale finesse dans les arrangements. La voix de Nahawa peut entièrement se recueillir pour célébrer la vie ou rendre hommage aux disparus. L’ancienne « découverte » de la Biennale de Bamako en profite pour promener son didadi sur d’autres terres, pour multiplier ses possibilités en traversant quelques registres musicaux maliens qu’elle n’a pas pour habitude d’interpréter. Elle s’est sérieusement lâchée dans cette expérience. Un peu comme lorsqu’elle travaille en complicité avec DJ Galliano sur Frikiwa, sauf qu’ici elle demeure sur des terres moins déroutantes, sur un plan strictement electro. Les solos de Barthélemy sont édifiants, ils sont même essentiels dans cette aventure. L’ensemble mérite que l’on s’y attarde…