Beaucoup de ce qui constituait le charme brutal des premiers enregistrements de Polly Jean Harvey a disparu. Ce sixième disque de la chanteuse anglaise vient tristement le confirmer. Elle fut jadis dotée d’un sens aigu de l’urgence et de la simplicité. Elle produit désormais une sorte de rock adulte et ennuyeux.
Le plus frappant dans ce phénomène est l’empâtement du son. On ne comprend guère comment quelqu’un qui a su faire preuve d’une telle rudesse plastique dans la réalisation de ses premiers travaux, notamment dans ses merveilleuses démos quatre-pistes, peut élaborer un disque aussi convenu et mou. Un disque de rock « gros son » sans aucune puissance, embourbé dans les reverb’ dont elle se passait si brillamment.
Aussi, on aurait pu espérer, avec le retour de Rob Ellis à la batterie, un peu de la vigueur chtarbée qui fit les riches heures de la jeune PJ. Mais non. Pas de 7/8. A peine un écho à cette folie tambourinante dans Kamikaze, neuvième titre de l’opus.
Mais passons outre le son et l’invention rythmique, la qualité des chansons laisse également fortement à désirer. Dans Dry ou To bring you my love, elle ne s’embarrassait pas de modulations et savait trousser des couplets directs, en trois accords. La voici empêtrée dans un songwriting à ponts et à refrains où elle se montre assez peu convaincante.
Quelques chansons de la seconde moitié du disque relèvent heureusement le niveau. This mess we’re in, duo avec Thom Yorke : entêtante plainte à deux voix enchâssées sur un canevas d’accords mineurs vivement brossés. This is love : routinier blues stoogien. Kamikaze : autopompage de Hair. Horses in my dream : ballade qui tournoie doucement, tout en mètres impairs et jolis entrelacs de piano, guitares, cymbales et basse. Certainement le morceau le plus intéressant de l’album.
Reste que la belle brune a toujours un aussi estomaquant brin de voix, même dégradé par les effets numériques et théâtraux. Pour en jouir sans entraves, préconisons définitivement l’usage de Dry (Too Pure, 1992).