Que vient faire Xavier Phillips dans la collection « Début », « consacrée à des artistes à l’orée d’une carrière internationale au plus haut niveau » ? Phillips a déjà à son actif deux disques ; l’un comme l’autre ont été distingués (dont un grand prix du Disque). Par ailleurs vu la qualité de cet enregistrement, Phillips ne ferait pas pâle figure à côté des stars du catalogue EMI, parmi lesquelles citons Itzhak Perlman, Martha Argerich et… Mstislav Rostropovitch. Non sans insolence, on dira qu’il surclasse largement les grands noms. Justement me direz-vous : deux violoncellistes dans le catalogue, vous n’y songez pas ? Rostropovitch est pourtant en perte de vitesse depuis quelques années. Attendons qu’il soit mort pour le remplacer officiellement.
Tout sépare pourtant ces deux musiciens ; les deux plus célèbres écoles de violoncelle ne se sont que rarement rencontrées : du côté de la Russie Natalia Gutman et Mischa Maïsky et de l’autre toute une jeune génération prête à essaimer partout dans le monde. Phillips peut à l’évidence en prendre la tête. Non que le programme enregistré ici soit incontournable mais la qualité de l’interprétation est exemplaire. En effet, le Concerto de Lalo n’est pas une œuvre impérissable encore qu’elle soit particulièrement bien écrite pour l’instrument. Cette dernière qualité explique que ce Concerto soit devenu l’un des chevaux de bataille des interprètes. Bien plus intéressante est l’œuvre d’André Caplet.
Caplet est connu (encore faut-il qu’il le soit ?) pour son amitié avec Debussy. Les spécialistes le connaissaient à travers l’enregistrement que Frédéric Lodéon effectua chez Erato (et oui avant de bavarder sur France-Inter, monsieur était musicien, de talent quand il le voulait, mais pas bosseur pour un clou). Depuis d’ailleurs, jamais Epiphanie n’a été enregistré. Cette œuvre met en scène, comme un rêve, l’arrivée des Rois mages à Bethléem -ainsi que le sous-titre le suggère, « Fresque pour violoncelle et orchestre d’après une légende éthiopienne ». Mais cette musique ne se réduit pas à sa vocation descriptive : impressionniste, évocatrice, elle occupe une place singulière dans l’histoire. Caplet a été le premier à confier un nouveau rôle au violoncelle, inspirant tous les compositeurs français (de Honegger à Dutilleux, en passant par Jolivet et Ibert). Renonçant au schème romantique (illustré par Lalo, Saint-Saèns…), il a imaginé un nouvel équilibre entre soliste et orchestre. Les couleurs, le rythme, le langage, autant de paramètres qui sonnent de façon irrémédiablement originale. Grand merci à Phillips de nous livrer enfin une version actuelle de l’œuvre ! Ajoutons que son interprétation de Lalo est d’une pureté stylistique exceptionnelle. Finalement EMI a bien fait de le choisir pour sa collection « Début » : le disque est vendu à un prix modique !
(1) Concerto pour violoncelle
(2) Elégie
(3) Epiphanie