Built To Spill a beau aimer jouer live, il reste cependant l’un des rares groupes taillés pour la scène -vu la force de frappe intelligente de ce combo de l’Idaho- à détester tourner. Le sentiment reste le même lorsqu’on pose ce Live de Built To Spill sur la platine : tout se déroule assez normalement voire mieux que prévu. Et notamment grâce à The Plan qui ouvre les hostilités, et à qui l’on réservera éternellement une mention spéciale tant le souffle de cette chanson la singularise. Par la suite, les compositions un tantinet « retenues » en enregistrement studio s’amplifient agréablement au passage du direct. Cependant, et même si l’on note une belle énergie et une bonne maîtrise du larsen, on en vient par moment à douter de l’utilité de Live. Jusqu’à ce que, sans se presser, arrive la plage numéro 5 Cortez the killer (Neil Young). On songe alors, résigné, qu’il s’agit d’une reprise de plus. Erreur… Car Doug Martsch, le petit bonhomme de Built To Spill s’en vient nous donner un soufflet mémorable à cette mauvaise pensée.
Depuis l’invention de l’Esthétique, l’apprentissage de l’art passe obligatoirement par la reproduction de toiles de maîtres ou bien (pour ce qui nous concerne) de covers dans les salles de répèt. Un jour, les jeunes pousses deviennent maîtres à leur tour et créent plus ou moins bien. Built To Spill reprend donc Cortez the killer pendant 20 minutes, et dans cette épopée scénique, il n’y a pas une seconde gâchée. Le premier effet de cette reprise monstrueuse est purement viscéral : il donne un plaisir immédiat. Le second est plus pervers, car rétroactif (si, si) dans la mesure où l’on se dit que si Built To Spill est capable de rendre ça, il faut absolument réécouter Live depuis le début. Et s’enchaîne soudain une flopée de bonnes surprises (Car et l’autre morceau marathon du rappel Broken chairs) avec cette nouvelle grille d’écoute. Au bout du voyage, la pérennité de ce Live ne fait plus aucun doute. Mieux, Built To Spill, l’excellent groupe de guitares, est devenu contagieux et jouissif, conjuguant endurance, bon goût et performance avec un sens de l’abîme dessoudant. Il est donc temps de rendre à Built To Spill le césar du meilleur groupe de scène américain, en priant fervemment pour qu’il revienne nous voir.