Micheline. Ce titre n’évoque pas le destin d’une femme que la vie aurait blessée ou comblée. Non, Micheline, dans l’esprit de Luc Leclerc du Sablon, est une voiture automotrice de chemin de fer utilisée encore dans les liaisons secondaires. Micheline, c’est aussi le féminin du guide Michelin. Pourtant, c’est bien La Femme que l’on cherche, que l’on a perdue ou qui est perdue, qui se trouve au centre des discussions entre voyageurs. Plus, même, c’est elle qui pousse au voyage, qui hante l’esprit de tous les passagers.
En sillonnant la France entière, Luc Leclerc du Sablon a réussi à faire le tour des aides régionales à la création cinématographique -le générique en constitue un vrai catalogue : Communauté urbaine de Strasbourg, régions Alsace, Franche-Comté, Périphérie, régions Centre, Nord-Pas-de-Calais, conseil général du Val-de-Marne, ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement… Et pourtant… le film est un véritable pied de nez à la production institutionnelle ! Impossible de discerner un paysage quand ils sont filmés et que le train avance à toute allure, difficile de se faire une idée de la ville quand le voyageur ne quitte pas la gare ! Car ce qui intéresse le réalisateur, c’est justement le voyage en lui-même, ce qui se passe d’un point à un autre. Quand il est dans une gare, c’est toujours pour attendre une correspondance.
Si Luc Leclerc du Sablon interprète le rôle du voyageur afin de mieux explorer la perception qu’ont les passagers lors de leurs déplacements en train (y ont-ils déjà rencontré l’amour ? à quoi pensent-ils quand ils regardent le paysage défiler ? etc.), il réussit surtout à composer un personnage touchant, proche de celui incarné par Tati : nez hors de la fenêtre avec les cheveux au vent, ou jouant au chef de gare. Sa simplicité enfantine donne une âme au voyage. Assistant metteur en scène, régisseur ou directeur de production, puis acteur, Luc Leclerc du Sablon portait en lui depuis longtemps ce voyage ferroviaire illimité. Les titres de ces courts métrages précédents (Un Garçon une fille un garçon une fille, Laroche Migennes, si je mens, Felix, Infelix Felix) évoquent le ronronnement binaire que fait un train en roulant sur les rails… un bruit cyclique qui semble ne jamais devoir s’arrêter. Micheline, c’est un peu ça : un voyage que l’on poursuivrait encore un peu parce qu’on s’y sent bien.