Présenté et primé dans de nombreux festivals fantastiques européens (Gerardmer, Sitges, Porto, Bruxelles), La Secte sans nom, adapté d’un roman de Ramsey Campbell, petit maître de l’épouvante britannique, s’apparente plus au thriller horrifique qu’au fantastique pur, puisque aucun élément surnaturel à proprement parler n’intervient dans le récit. Si l’on sait les réalisateurs ibères plus à l’aise dans le genre que les Français, ce premier film de Jaume Balaguero n’a rien à voir avec leur attachement tout national pour la lycanthropie fauchée (Paul Naschy), l’érotisme vampiresque (Jesus Franco) ou les templiers d’outre-tombe (Amando de Ossorio). Loin du culte du nanar tel qu’a pu l’entretenir un Alex de la Iglesia, la terreur selon Balaguero s’ancre dans un quotidien névrotique et dans la découverte progressive par ses personnages d’une réalité où s’incarne un mal absolu et tétanisant.
Cinq ans après avoir identifié le cadavre de sa fille, dépecée et torturée par un mystérieux assassin, Claudia s’est séparée de son époux sans parvenir à oublier la disparition de son enfant. Son travail l’accapare jusqu’au jour où elle reçoit un coup de téléphone sibyllin d’une inconnue prétendant être sa fille et la suppliant de lui venir en aide. Claudia s’accroche à ce maigre espoir et recontacte l’inspecteur chargé de l’enquête. Commence alors pour eux un voyage horrifiant au bout duquel la mère confrontera l’essence même du Mal.
Jaume Balaguero adopte d’un bout à l’autre le point de vue de son personnage principal et s’autorise simplement de brefs flashes hallucinatoires où la terreur est condensée de façon quasi subliminale. Sa peinture d’un univers urbain dépressif et monochrome où n’évoluent que des protagonistes en rupture d’équilibre constitue la toile de fond idéale pour un récit spiroïdal judicieusement agencé qui converge vers la restitution baconienne d’un visage de l’horreur. Peu d’effets sont nécessaires pour que s’installe une angoisse viscérale proche de celle de Rosemary’s baby. La mère y est, là aussi, la matrice d’une filiation malévole. En tout cas, La Secte sans nom, qui succède dans la fraîche carrière de son auteur à un court métrage inspiré par Lewis Carroll (Alicia, 1994), est un cauchemar admirable évoquant aussi bien Dario Argento que le de Palma des bons jours. Il place d’office Jaume Balaguero, aux côtés d’Alejandro Amenabar, en tête de ligne du jeune cinéma espagnol de genre.