Ancien critique et nouveau président de notre bien-aimée Cinémathèque française, Jean-Charles Tacchella, scénariste et réalisateur, survit dans de nombreuses mémoires comme l’outsider de chez nous ayant fait un tabac outre-Atlantique il y a de cela vingt-cinq ans avec Cousin, cousine. Il est si rare qu’un de nos films s’exporte correctement en terre yankee que l’événement a fait date. Soit. Reste qu’il a poursuivi sur sa lancée, en tournant, au rythme d’un film tous les deux, trois ou quatre ans, une série de chroniques douces-amères sur le couple, les difficultés de l’amour, etc. Avec pour la plupart du temps en arrière-plan plus ou moins flou une kyrielle de références cinématographiques. Depuis l’accueil relativement positif qui fut réservé à Escalier C et à son cortège de personnages et de comédiens résolument eighties, beaucoup d’eau a passé sous les poncifs et les échecs autant publics que critiques se sont accumulés. Qui se souvient aujourd’hui du fadasse L’Homme de ma vie ? Qui aurait l’idée incongrue de se la ramener en citant Tous les jours dimanche ? Autant de questions rhétoriques qui disent avec quelle impatience était attendue la cuvée 2000 dudit Jean-Charles.
A la dégustation, aucune surprise majeure. Le monde -suprême découverte- est toujours peuplé d’hommes et de femmes qui réussissent (ou ne réussissent pas) à vivre ensemble. Il y a de l’amour, des sentiments forts, des va-et-vient affectifs, le temps qui passe, des mensonges, de l’infidélité, des gens qui meurent et des bouteilles de vin. Avec de tels ingrédients, dire que la soupe que nous servent Les Gens qui s’aiment sent le réchauffé relève de l’euphémisme. Les pourtant déjà regrettables Marmottes d’Elie Chouraqui feraient presque figures de pamphlet underground face à la rafale de lieux communs et de clichés idiots qui s’abat ici. On s’étonne de voir à quel point le cinéma de Tacchella n’a pas bougé. Comme si le monde était resté figé, semblable au sommaire décor d’une dramatique télévisée des années 70. Les jeunes sont jeunes parce qu’on nous le dit et que le casting l’a voulu (Julie Gayet, Bruno Putzulu) mais leurs paroles, leurs actes reflètent tout sauf leur appartenance à notre époque. Quant au couple de vétérans formés par Jacqueline Bisset et Richard Berry, leur psychologie embaume la naphtaline à plein nez. Le temps se serait-il arrêté pour Jean-Charles Tacchella ou, cryogénisé à notre insu, réapparaîtrait-il aujourd’hui sans avoir vu évoluer le cinéma dont il fut pourtant longtemps un fin observateur ? Libre au spectateur inquiet de s’interroger, toujours est-il que Les Gens qui s’aiment, avec son titre crétin évoquant plus Didier Barbelivien que Frank Borzage, outrepassent les limites de la médiocrité et de la désuétude et finissent par être aussi assommants à contempler qu’un vieux papier peint jauni.