Deuxième film tourné en DV à sortir cette semaine (avec Baise-moi), Le Conte du ventre plein confirme les multiples possibilités de la caméra numérique, surtout lorsqu’elle tombe entre les mains du génial réalisateur de Sweetback’s Baadassss song (1971). On savait les répercussions pratiques de ce nouveau moyen de filmer : maniabilité extrême, coût réduit, tournage en quasi-indépendance. La DV, nouveau support pour les œuvres trop engagées sur lesquelles les producteurs ne se risquent pas à miser ? C’est sans doute le cas du nouveau film de Melvin Van Peebles, qui en avait marre d’attendre le financement suffisant pour tourner en 35 mm. On connaissait cependant moins la compétence de la DV pour composer des variations esthétiques originales. Avec Le Conte du ventre plein, preuve est faite que tous les délires visuels sont possibles et aussi beaux qu’en pellicule traditionnelle.
Pour nous raconter son histoire, très influencée par l’univers de la BD, le cinéaste a choisi de s’amuser avec les images en usant surtout des surimpressions et de la saturation de certaines couleurs. L’occasion de vérifier que Melvin Van Peebles n’a rien perdu de son dynamisme pictural qui le pousse à créer des œuvres toujours aussi novatrices. Si Le Conte du ventre plein fait ainsi preuve d’une grande liberté visuelle, on ne peut alors que regretter encore plus que celle-ci n’ait pas été mise à l’œuvre sur un scénario du même acabit. Usant du conte pour sa forme, le récit du film s’apparente, quant à lui, à la satire sociale outrée. Dans les années 60, un couple de tenanciers d’une auberge nommée Le Ventre Plein, engage comme serveuse une jeune orpheline pour remplacer leur fille mystérieusement partie soigner une tante malade. Il s’agira en fait de faire croire à la grossesse de leur nouvelle employée pour cacher celle plus honteuse de leur rejeton. La thématique du Conte du ventre plein n’est pas sans rappeler la veine critique qui irriguait le premier long métrage de Melvin Van Peebles, La Permission (1968). On y retrouve le même portrait d’une France profonde et de ses préjugés (le racisme latent dans le premier, les ragots d’une société bien pensante et hypocrite dans le dernier). Dommage que cette satire tombe dans une caricature qui ne laisse pas aux personnages l’élan suffisant pour dépasser le cliché (notamment le personnage d’Andréa Ferreol tout droit sorti de la série télé Au bon beurre). Là résident les limites du film, dont la forme omniprésente en fait, au final, un exercice de style brillant mais assez vain.