Produit par Saturn Films, la société de production que Nicolas Cage vient de fonder avec Jeff Levine, L’Ombre du vampire est sans conteste une fausse « bonne idée ». Quelque part entre le making-of et le fantasme le plus délirant, le film revient sur le mythique tournage du Nosferatu de Murnau. A partir des folles rumeurs qui ont entouré l’œuvre du cinéaste allemand, le scénariste Steven Katz imagine une histoire mêlant fantastique et reconstitution historique avec comme principal défaut un sérieux manque d’égard pour l’original.
A l’époque, le visage grimé de Max Schreck, l’interprète de Nosferatu dont le nom signifie en allemand « peur », effraya tellement la population que celle-ci eut tendance à faire l’amalgame entre la fiction et la réalité, n’hésitant pas à assimiler le comédien au vampire en question. Sans aucune ambiguïté ni finesse, le film réalisé par Merhige reprend à son compte cette croyance populaire et institue Schreck en monstre vampirisant un à un les membres de l’équipe du tournage. Il faut voir Willem Dafoe en faire des tonnes dans les couinements et les regards suggestifs sur ses futures proies pour mesurer le grotesque de cette entreprise. Faire de Schreck un véritable suceur de sang, c’est quand même témoigner peu de respect pour la qualité d’une interprétation si puissante qu’elle en sema le trouble dans les consciences. L’Ombre du vampire joue constamment sur ce même registre et s’approprie Nosferatu pour n’élaborer qu’une banale parodie sur les affres de la création.
Caricature simpliste, le Murnau incarné par John Malkovich ne cesse d’ânonner des vérités toutes faites sur le cinéma, et censées attester le génie qu’il est. Pires sont les séances de travail reconstituées par Merhige. On y voit un Murnau guider ses acteurs geste par geste, comme s’il suffisait de leur demander de mimer l’effroi pour rendre une scène angoissante. A l’évidence, Merhige se soucie peu du travail effectué sur le cadre et les éclairages par le cinéaste allemand. Le regard qu’il pose sur cette époque du cinéma, qualifiée par l’intéressé dans le dossier de presse de « préhistorique », est empreint d’une condescendance malvenue. Sous couvert de lui rendre hommage, L’Ombre du vampire traite avec une telle désinvolture le personnage et le film de Murnau qu’il en frise l’irrespect. Face à tant d’insignifiance, nous n’avons qu’une envie : l’oublier très vite pour nous plonger aussitôt dans l’univers, autrement plus fascinant, du vrai Murnau.