Paris, l’été. Ville et période idéales pour une flânerie poétique, là où le temps s’est arrêté, happé par la chaleur. Alors, on dort, on roule à vélo, on cherche un amour hypothétique, on voyage comme on peut, et, surtout, on dit beaucoup de conneries. En particulier Myope et Lunettes, personnalités complémentaires dans un même corps, jumelles chimériques interprétées par Franssou Prenant elle-même. Du haut de leur appartement, les sœurs schizo toisent le monde et en inventent un autre, peuplé de leurs souvenirs et de leurs propres créatures, Pierrot et Agathe, jeunes gens naturellement rêveurs et forcément baroudeurs.
Le film de Franssou Prenant a pour lui le parfum de la liberté, celui que portent toutes les vraies aventures cinématographiques, devenues si rares aujourd’hui. Et le charme opère une bonne demi-heure devant ces digressions tour à tour burlesques et fantaisistes, le grain du super-8 mêlé à celui du 35 mm, les jupes des filles à bicyclette, le jeu et le timbre de voix si particuliers de la cinéaste. On aime la façon dont Paris, mon petit corps… butine sur le bitume parisien, frayant son chemin avec douceur au fil des rues et des passants, des petites danses et des transats, sans oublier de semer çà et là de jolis bouts de prose, légers et insolites. Et puis, il y a la divine Elli Medeiros dans un rôle fugace de star inaccessible, n’aimant qu’elle-même mais dont le pauvre Pierrot est accro, venant jouer du violoncelle dans la nuit, près des colonnes affichant le beau visage en noir et blanc de son impossible passion.
Hélas, tout parfum est volatile, et celui de Paris, mon petit corps… disparaît bien vite dans la trop grande disparité des images, des pistes et des mots. Encombrée d’élucubrations toujours plus obscures, la poésie devient pose intellectuelle. Franssou et sa logorrhée cahoteuse finissent par irriter. Pierrot et Agathe, nos gentils Parisiens à l’âme de bohémiens, manquent singulièrement d’incarnation -certes, ce sont des corps fictifs, mais le fictif tend ici au factice. Quant à Elli, sa disparition s’avère définitive et trace inconsciemment la frontière de notre intérêt pour le film, de l’étonnement à l’ennui, de l’enchantement à la réprobation.