Un été, sur une plage de Bretagne, Mathieu (Jérémie Elkaïm), un Parisien de 18 ans, fait la connaissance de Cédric (Stéphane Rideau). Les deux garçons vivent une aventure de plus d’un an. L’hiver qui suit leur séparation, Mathieu tente de se suicider. En guise de thérapie et pour mieux faire le deuil de Cédric, l’adolescent décide de retourner sur les lieux de leur rencontre…
Une histoire d’amour infra-passionnelle, une dépression douce, des drames sous-jacents… Presque rien, donc, du moins en surface. Car le nouveau film de Sébastien Lifshitz travaille avant tout sur l’ellipse et le non-dit, prenant le risque de privilégier les temps morts aux temps forts. Ce choix de structure en creux ne va toutefois pas sans frustrer, ne serait-ce qu’à l’orée des Terres froides, réalisé pour Arte par le même Lifshitz et dont la profusion romanesque -c’était, pour le coup, « Presque tout » : quête du père, tragédie gréco-marxiste et sodomie dévastatrice- était à peine adoucie par la retenue de la mise en scène. Les beautés de Presque rien, quant à elles, ne se goûtent que fugitivement, au gré des percées poétiques que le cinéaste s’est permis de sacrifier à son désir de rétention. C’est dans les petits reliefs de son récit fractal (les séquences se suivent sans ordre chronologique, entre l’été et l’hiver, l’amour naissant du couple et la solitude de Mathieu) que le film offre ses moments les plus immédiatement touchants : un coït sur le sable, une danse improvisée via Mylène Farmer (Libertine revu et corrigé version pédé), les aveux de Mathieu à sa mère malade (la toujours émouvante Dominique Reymond) ou encore la rencontre de ce dernier avec l’ex-petit ami de Cédric. Lorsque ses images sont moins signifiantes, plus atones, Presque rien frise la platitude, comme s’il ne s’était pas suffisamment nourri de situations fortes pour pouvoir sublimer la mélancolie de son protagoniste, comme si les instants pleins manquaient de cette incandescence seule capable de nous faire ressentir l’absence ou la douleur. Avec Les Terres froides, Lifshitz nous a prouvé qu’il était grand, et si Presque rien n’érode nullement notre croyance, on ose espérer que l’auteur des Corps ouverts se déleste à l’avenir d’une partie de sa modestie.