Nul ne l’ignore, les temps sont durs pour les vétérans du cinéma hollywoodien. Au faîte de sa gloire, à l’époque où le système des studios, menacé par la télévision, commençait à battre de l’aile, Paul Newman faisait partie de ces comédiens pris sous contrat dans la deuxième moitié des années 50 ; il sut gérer par la suite, contrairement à d’autres, une carrière indépendante fort respectable orientée vers un cinéma d’auteur grand public (Rossen, Huston, Roy Hill, Ritt, Pollack). Ce qui l’incita à s’essayer à la réalisation avec une série de films méconnus en France mais souvent attachants et indéniablement personnels (Rachel, Rachel ou l’intrigant De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites). L’homme est un de ces monstres sacrés discrets qui, loin de tout battage médiatique, réussit à cultiver une image de citoyen engagé, fervent démocrate, dont les vinaigrettes ornent les tables de toute famille yankee concernée par la question de l’environnement. Paul Newman, aujourd’hui septuagénaire, se contente désormais des apparitions sporadiques réservées par Hollywood à ses anciennes idoles dans des films de second ordre signés Ron Shelton, Luis Mandoki ou Robert Benton.
En toute complicité, comédie policière d’une sidérante banalité, ne vaut que par et pour lui. Bien sûr les rides sont là mais la carcasse résiste, l’œil scintille toujours autant et son métier lui permet de donner vie au néant ; en l’occurrence une vague et improbable histoire de vol audacieux orchestré par une chaude infirmière en mal de fortune qui se sert du vert vieillard, expert en cambriolages, pour s’assurer des jours meilleurs. Mitonnée à la va-vite par Marek Kanievska, un ténor du film publicitaire, coupable d’une odieuse adaptation du Moins que zéro de Brett Easton Ellis, cette tambouille sans saveur ne vaut pas tripette. Flash-back inutiles en noir et blanc, plans d’une vulgarité rarement égalée sur la croupe de Linda Fiorentino (on se croirait par moments dans La Toubib se recycle ou une autre polissonnerie transalpine du même acabit), utilisation gratuite et redondante de grues et d’hélicoptères : tout converge vers le nanar. Si l’on reste jusqu’au bout, c’est pour le numéro de vieux de la vieille de Newman, pour contempler les vestiges toujours étonnants de son talent. Pour le reste, passe ton chemin, toi spectateur exigeant, si tu ne tiens pas à franchir le seuil du vide !